Rire comme un moustique
J'ai toujours été pas
mal ricaneuse. D'aussi loin que je me souvienne, je suis un bon
public pour les mots d'esprit ou les situations involontaires qui
plongent les protagonistes dans un certain ridicule.
Il m'est arrivé
plusieurs fois d'avoir toutes les peines du monde à essayer
d'arrêter de rire dans des moments importuns. Je suis la seule
personne de ma connaissance à avoir été envoyée chez le directeur
à quelques occasions dans ma vie d'élève et d'étudiante parce que
j'étais atteinte d'un fou rire à ce point incontrôlable que je
dérangeais toute la classe. Évidement, si je racontais ici pour
quelles raisons je riais tellement, personne n'y trouverait rien de
drôle; je crois que mes plus grands rires incontrôlables étaient
alimentés par le fait que je savais trop bien que ce n'était pas
drôle, justement.
J'ai une amie d'enfance,
qui s'avère être aussi une cousine, qui a ce chic de me faire rire.
Depuis toute petite. Son humour et moi faisons vraiment bon ménage.
Adolescentes, nous passions beaucoup de temps ensemble ou au
téléphone. Un jour, elle s'est mise à imaginer ce qui se passerait
si les mots qui étaient prononcés restaient dans l'espace où ils
avaient été prononcés. Et elle a poursuivi son délire assez
longtemps. Elle se disait que ce serait chouette de rentrer dans une
pièce pleine de « Je t'aime » ou autres petits mots doux
mais probablement un peu moins intéressant de croiser une pièce de
colères qui multiplierait les gros mots et autres injures
malodorantes. Il me semble la voir, au pied de mon lit, faire ce
geste de la main qui tente d'évacuer une certaine puanteur, parce
qu'elle s'imaginait s'être buttée au mot « caca ».
Et moi, je riais à en
perdre haleine. Vraiment. Il arrive un moment lorsque je ris trop, ou
je n'ai plus ni de souffle ni de voix. J'émets alors un petit bruit
aigu en expirant, comme une sirène de pompier qui se meurt, à bout
de souffle. Complètement ridicule et inélégant. Je n'y peux
pourtant rien. Sinon, je deviens d'un rouge épeurant parce que je ne
respire plus. Il me semble lui avoir demander grâce de ses
niaiseries parce que j'allais mourir sur le champs. Et elle de me
répondre : « Mais non, tu ne vas pas mourir. Sinon qui
est-ce qui raccrocherait le téléphone ». Ce qui a eu l'effet
de redoubler mon rire.
Il apparaît que je ne
suis pas morte et que le téléphone a été dûment fermé ce
soir-là.
Des années plus tard,
une autre amie a décrit ce rire comme ceci : « tu ris
vraiment comme un moustique qui s'effoire sur une tapette à
mouche ». Si le commentaire ne semble pas flatteur, il me
semble tout à fait descriptif de la réalité . J'ai adopté ce
descriptif depuis.
Ça fait vraiment très
longtemps que je n'ai pas ri ainsi. Je crois que c'est l’apanage de
la confiance et du laisser-aller.
Mais je souris encore à
toutes les fois où je repense à ces moments qui m'emplissent d'un
certain bonheur, à rebours.
Libellés : Digressions