Continum espace tordu
J'ai recommencé à
écrire le 26 octobre 2014. Ça partait d'un élan à la suite d'un
événement anodin que j'ai toujours eu plaisir à décrire. Mais
l'étincelle venait d'ailleurs. J'avais une envie d'écrire depuis 17
jours qui me taraudait les doigts et l'esprit. Il me semblait que
j'avais une impression et une opinion sur tout, que j'avais quelque
chose à dire, moi qui m'étais tue si longtemps.
Je me sentais immensément
libre. Libre des baillons que je m'étais imposés, croyais-je.
C'était sans doute une conséquence directe d'un silence si profond
qui s'était étendu sur un aussi grand laps de temps.
Aujourd'hui, je comprends
beaucoup mieux où étaient mes ornières passées. Ne serait-ce que
parce que je m'astreins à écrire deux textes par semaine. Pour
travailler les muscles de mon écriture, pour ne plus me donner le
droit de me taire jusqu'à me faire du mal. Je sais mieux que
personne que, passé l'euphorie du premier contact avec ma plume,
l'écriture ressemble beaucoup à un vieux couple; il faut entretenir
la flamme, malgré tout.
Lorsque je regarde la
dernière année, il me semble que le temps s'y est distordu. Entre
Noël et Noël au magasin, les heures se sont écoulées normalement.
Par contre, dans d'autres sphères de ma vie, entre les mots et moi
par exemple, il me semble que le temps soit passé à une vitesse
folle et paradoxalement trop lentement. Mes repères, en ce domaine,
sont particulièrement flous. Comme si j'avais tissé un pont au
dessus de mes années muettes pour m'arrimer à celles qui les
précédaient. Histoire de maintenir un certain équilibre.
On s'entend, ce n'est pas
parce que je suis à nouveau capable d'écrire que je suis
continuellement en équilibre. J'ai rencontré des récifs qui en
font foi. Des crises de nerfs, d'angoisse, voire de panique, qui
m'ont laissée pantoise devant tant de violence intérieure. Je
réalise, qu'il y a un petit quelque chose de confortable dans la
négation de sa propre expression :on peut continuer à fuir,
dans n'importe quelle direction, sans se sentir redevable devant soi.
Évidemment, on est aussi beaucoup moi touché parce qui nous
entoure. On a l'impression de se garder une saine distance avec notre
environnement et de pouvoir, enfin, garder une tête froide.
Honnêtement, je ne crois
pas que ce soit la solution, pour moi. Malgré le fait qu'il soit
objectivement plus aisé de traverser les jours sur un air apathique,
je préfère me regarder en face, même si quelquefois, ça me fait
déraper, même si quelquefois, ça me fait pleurer. Je préfère
avoir une notion tordue de la continuité espace-temps entre moi et
moi plutôt que de pouvoir calculer froidement à quelle vitesse
réelle les minutes se sont écoulées et, au final, avoir eu
l'impression de survoler mon existence sans la vivre.
Je pense que je serai
toujours un tantinet en déséquilibre, mais je choisi aujourd'hui,
de le savoir plutôt que de faire semblant que je ne le suis pas.
Même, et surtout, si ça
veut dire que je ne suis pas aussi inébranlable que ce que je
voudrais bien laisser paraître.
Je crois que c'est ce
qu'on appelle l'acceptation de soi.
Libellés : Digressions