jeudi, octobre 01, 2015

Les assassins de l'intérieur

Lorsque mon téléphone m'a envoyé une alerte m'annonçant une nouvelle tuerie dans une école aux États-Unis, je n'ai pu retenir un « merde » venu du fond du cœur. Et j'ai ironiquement pensé qu'on en parlerait plus la semaine prochaine parce que ces assauts sont devenus tellement usités qu'ils seront rapidement balayé par une nouvelle plus importante. Peut-être même par une autre tuerie.

Je ne comprends pas comment on peut encore défendre le droit de porter une arme sur soit en plein jour au nom d'un droit constitutionnel et surtout comment on fait pour affirmer que si tout le monde avait été décemment armé, ce ne serait pas produit. Je n'y crois pas du tout. Il arrive souvent que les tireurs qui se jettent sur une foule soient morts avant la fin du jour. De leurs propres mains ou de celles d'autrui; ce n'est certainement pas la possibilité d'une mort imminente qui les arrêtera.

Je ne sais pas, je parle sans doute à travers mon chapeau, mais il me semble que les commentateurs Américains font un grand battage des tueries perpétrées par des étrangers sur leurs terres, mais oublient vite celles de la chair de leur chair. Il me semble entendre parler encore régulièrement des frères Tsarnaev ou du 11 septembre, mais de loin en loin de tous ces autres sujets où le sang d'innocents a été versé au nom de manques de repères ou de reconnaissance sociale. Il me semble qu'on essaie trop souvent d'oublier ces assassins de l'intérieur.

Je me rappelle de Polytechnique, comme si ça c'était déroulé hier. Les émotions, qui m'habitaient, l'incompréhension devant cette horreur. D'avoir compris ce jour-là le sens du mot féminisme et d'y avoir adhéré illico pour ne plus jamais le laisser me quitter. Je me rappelle aussi de Concordia, et là encore de n'y avoir rien compris. Pendant des années, j'ai cru que nous avions collectivement œuvré à nous sortir de cette forme de violence absurde. J'ai suivi avec intérêt les démarches pour faire créer un registre des armes d'épaules et été particulièrement fière lorsqu'il a été adopté. Il va sans dire que j'ai été amèrement déçue lorsqu'il a été détruit. Un grand pas en arrière, selon moi.
 
Et puis, il y a eu Dawson. Une seule mort, si l'on exclut le tireur. Mais des victimes en masse. Parce que ce n'est pas parce que l'on ne tombe pas sous les balles de ce genre de boucherie qu'on n'en est pas moins traumatisé à vie.

Je ne comprendrai jamais ce désir de vengeance. Cette volonté de prouver qu'on vaut mieux que ce que d'autres auraient dit de soi en pointant une arme à feu pour démontrer sa propre virilité. Je sais ce que sais que d'être ostracisée par mes pairs, j'ai été intimidée.

Mais je choisi de me battre à coups de mot et d'intelligence plutôt qu'à coups de feu. Pas mal moins viril, sans doute, mais beaucoup plus efficace, à long terme.

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