Les assassins de l'intérieur
Lorsque mon téléphone
m'a envoyé une alerte m'annonçant une nouvelle tuerie dans une
école aux États-Unis, je n'ai pu retenir un « merde »
venu du fond du cœur. Et j'ai ironiquement pensé qu'on en parlerait
plus la semaine prochaine parce que ces assauts sont devenus
tellement usités qu'ils seront rapidement balayé par une nouvelle
plus importante. Peut-être même par une autre tuerie.
Je ne comprends pas
comment on peut encore défendre le droit de porter une arme sur soit
en plein jour au nom d'un droit constitutionnel et surtout comment on
fait pour affirmer que si tout le monde avait été décemment armé,
ce ne serait pas produit. Je n'y crois pas du tout. Il arrive souvent
que les tireurs qui se jettent sur une foule soient morts avant la
fin du jour. De leurs propres mains ou de celles d'autrui; ce n'est
certainement pas la possibilité d'une mort imminente qui les
arrêtera.
Je ne sais pas, je parle
sans doute à travers mon chapeau, mais il me semble que les commentateurs
Américains font un grand battage des tueries perpétrées par des
étrangers sur leurs terres, mais oublient vite celles de la chair de
leur chair. Il me semble entendre parler encore régulièrement des
frères Tsarnaev ou du 11 septembre, mais de loin en loin de tous
ces autres sujets où le sang d'innocents a été versé au nom de
manques de repères ou de reconnaissance sociale. Il me semble qu'on
essaie trop souvent d'oublier ces assassins de l'intérieur.
Je me rappelle de
Polytechnique, comme si ça c'était déroulé hier. Les émotions,
qui m'habitaient, l'incompréhension devant cette horreur. D'avoir
compris ce jour-là le sens du mot féminisme et d'y avoir adhéré
illico pour ne plus jamais le laisser me quitter. Je me rappelle
aussi de Concordia, et là encore de n'y avoir rien compris. Pendant
des années, j'ai cru que nous avions collectivement œuvré à nous
sortir de cette forme de violence absurde. J'ai suivi avec intérêt
les démarches pour faire créer un registre des armes d'épaules et
été particulièrement fière lorsqu'il a été adopté. Il va sans
dire que j'ai été amèrement déçue lorsqu'il a été détruit. Un
grand pas en arrière, selon moi.
Et puis, il y a eu
Dawson. Une seule mort, si l'on exclut le tireur. Mais des victimes
en masse. Parce que ce n'est pas parce que l'on ne tombe pas sous les
balles de ce genre de boucherie qu'on n'en est pas moins traumatisé
à vie.
Je ne comprendrai jamais
ce désir de vengeance. Cette volonté de prouver qu'on vaut mieux
que ce que d'autres auraient dit de soi en pointant une arme à feu
pour démontrer sa propre virilité. Je sais ce que sais que d'être
ostracisée par mes pairs, j'ai été intimidée.
Mais je choisi de me
battre à coups de mot et d'intelligence plutôt qu'à coups de feu.
Pas mal moins viril, sans doute, mais beaucoup plus efficace, à long
terme.
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