dimanche, octobre 11, 2015

Tchou! Tchou!

Je suis prise dans le pain d'une famille de 7 enfants. Je ne le sais pas encore tout à fait, je n'ai que 4 ans. Dans mon univers, il y a une grande et un grand, moi et un bébé (plate parce qu'il ne parle pas encore) et une maman grosse comme l'univers, à mes yeux, parce qu'elle est enceinte.

Mon idole, c'est le grand, la grande est beaucoup trop grande pour moi. Mais le grand, il m'a laissée jouer avec lui souvent, sans doute parce qu'il n'avait pas d'autres compagnons de jeu, mais c'est une donnée que j'ignore à cet âge.

J'ai appris à lire et à écrire en le regardant faire ses devoirs et ses leçons. Je reproduisais avec application tout ce qu'il avait à faire. Un peu de biais, évidement, puisque je recopiais du cahier du grand plutôt que du tableau vert que je n'avais pas encore rencontré. Mais j'ai fait tous les exercices demandé, avec tout mon cœur, et ma maman était bien contente de me voir m'attabler pour faire mes lettres et mes chiffres pour le simple plaisir d'apprendre. Je m'étais trouvé une activité qui ne lui demandait pas beaucoup d'énergie. Entre les grands à éduquer et les plus petits à élever, mon comportement tenait de la bénédiction.

Ce qui fonctionnait moyennement, c'était le fait que j'étais toujours un an ou deux en avance sur les élèves de ma classe. Je n'avais donc aucun espèce d'intérêt sur ce que la maîtresse racontait à mes collègues, je le savais déjà. Mes leçons me laissaient froide, je préférais de loin celles du grand. Alors je passais invariablement pour la dissipée. C'était vrai, du reste, je n'avais aucun intérêt pour ce que je voyais en classe, je connaissais tout, les examens le prouvaient.

Il m'arrivait, par conséquent, de buissonner allègrement. À force de me faire réprimander par les religieuses, parce que je ne faisais pas les lettres de la manière indiquée, de faire des pâtées sur mes copies, j'étais souvent celle qui était donnée en contre exemple, l'année durant. Ce qui diminuait singulièrement mon intérêt, et surtout on sens de la justice. Je trouvais donc beaucoup plus intéressant de ramasser mes cliques et mes claques pour aller voir ailleurs, si j'y étais. Mais j'étais toujours sagement assise à ma place aux examens. Passant une année après l'autre, l'air de rien.

Je n'ai jamais été la première de classe, contrairement au reste de ma fratrie. Que ce soit à l'école, ou au catéchisme, je ne raflais pas tous les prix. Je m'étais éduqué toute seule. À force de curiosité d'envie d'émuler ceux qui me précédaient. J'avais pris le train vers l'avant : Tchou! Tchou! Alors tout le monde m'appelait « Toutou »

Je n'étais qu'une minuscule fillette qui voulait être appréciée pour ses talents. Je voulais qu'on m'aime, évidemment. Sauf que j'avais appris un peu tout croche. Encore aujourd'hui, je trouve mes lettres et mes chiffres mal définis sur le papier. Il me semble que tout ce que je sache faire soit une copie pleine de pâtés inélégants, même si tout un chacun considère qu'il soit aisé de me déchiffrer. Les complexes nés de l'enfance sont durs à déloger.

J'ai tenté de ne pas transmettre mes inquiétudes à mes enfants. Les laisser être des enfants, justement. Je pense que j'ai réussi, sauf peut être sur le plan de la calligraphie. Ce n'est pas tant que je sois intraitable à ce sujet, mais ils ont hérité de l'irrégularité de la mienne.

De nos jours, heureusement, il y a les ordinateurs et les lettrines formatées.

Une angoisse de moins...

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