La vie après la mort
Étrange comme
l'actualité peut influer la créativité. La saboter dans le cas
présent. Jeudi, j'avais deux trois idées de textes dans la manche,
ces observations du quotidien que j'aime faire. Je ne les avais pas
notées, je ne le fais que rarement. Mais je sais que je retournais à
la maison en essayant de trouver la bonne manière de les écrire.
J'ai continué dans la même veine vendredi, je m'amusais toute seule
à mon petit jeu. Et puis ce vendredi 13 nous est tombé dessus dans
toute son horreur, battant à plate couture tous les films qu'on
montre à perpétuité lorsque le mois nous fait l'affront de tomber
sur ce jour superstitieusement fatidique.
Et je me retrouve
quelques jours plus tard, avec le cerveau qui baigne dans cette
histoire aussi hideuse qu'absurde. Alors je ne peux m'empêcher de
penser qu'il n'y a plus d'autre sujet possible. Si ce n'est de
souligner les massacres récents au Liban et au Nigéria qu'on passe
pratiquement sous silence, malgré l'importance, tout aussi grande,
de ces vies innocentes fauchées. Parce qu'on s'est collectivement
habitués à lire ces grands titres en les chassant de nos esprits
comme on chasse un moustique fatiguant, du revers de la main.
Je ne sais plus où je
suis. Je ne suis pas journaliste, ni éditorialiste. J'inscris mon
écriture dans le quotidien, dans l'anecdotique. Je suis donc
tétanisée devant la fameuse page blanche que je n'ai que peu connue
sinon devant des travaux scolaires que je jugeais démotivants. Je me
dis que je pourrais oublier si je n'en parle pas encore. Pourtant je
n'ai jamais oublié ni Polytechnique, ni Concordia, ni Dawson, ni les
tours jumelles du Word Trade Center, ni Charlie Hebdo. J'ai toujours
cultivé la souvenance, je ne suis pas historienne pour rien. Sauf
que dans les circonstances actuelles, il me semble que je trahirais
l'instant présent.
Et puis je me bats depuis
quelques jours contre un rhume pas trop violent, mais bien présent
qui me laisse la cervelle en compote et le nez dans un état pire. Il
me semble que le fait d'aligner deux idées qui se suivent et forment
un certain sens tient de l'effort surhumain. Parallèlement, j'ai
tenu, jusqu'à maintenant, la promesse que je m'étais faite d'écrire
au moins deux fois par semaine. Pour moi, pour me garder vivante,
pour préserver mon équilibre, m'éviter de longer la frontière du
pays des zombies. Je ne sais donc plus quoi faire avec mes deux
pieds dans la même bottine.
Et puis ce matin, je suis
allée lire le blogue de cet homme que j'ai connu à l'époque où
j'animais des soirées d'improvisation à Sherbrooke. Il était un
magnifique joueur, juste assez baveux pour surprendre par ses
répliques assassines et ainsi gagner certains points. Je ne peux pas
dire qu'il est mon ami, mais je dirais qu'il est une connaissance que
je respecte. Depuis le début du mois, il s'est mis à s'écrire,
pour passer à la prochaine étape de sa vie, je suppose.
Son entrée d'hier était
une réflexion intelligente et acide sur le fait d'avoir quarante
ans. À des années lumières de l'horreur qui me prend dans ses
griffes et me fait tergiverser dans l'écriture. Il m'a fait exploser
de rire, mettant un baume rassérénant sur les derniers jours.
Je me suis donc prise à
penser qu'au fond je n'avais peut-être rien compris au concept de
vie éternelle.
Parce que la vie après
la mort, c'est peut-être continuer à écrire sur tout et n'importe
quoi, au bout du compte.
Libellés : Digressions
Bien aimé ce texte wiki!
Tu as bien raison, et je ne peux imaginer ma Mathilde sans son rire. N'oublie pas non plus qu'après les horreurs du 13 la viea repris ses droits le 14 avec la naissance de Florian.
Merci Collègue!
Maman, je ne l'oublie pas, mais je laissais au parents le soin de publiciser eux-mêmes cet heureux événement. :)