samedi, novembre 14, 2015

Relativiser le Moyen-Âge

Ça ne paraît peut-être pas tous les jours, mais je suis historienne. J'ai un bac ce qui me permet de m'arroger ce titre. Sans trop le vouloir, j'ai baigné dans l'histoire socioreligieuse tout au long de mon parcours. J'y revenais continuellement, sans même m'en rendre compte. Au bout d'un an, j'ai fini par prendre les cours qui s'inscrivaient directement en ce sens, dans toutes les directions. Ainsi, j'ai suivi un séminaire sur les religions animistes de l'Afrique Noire, un autre sur les religions traditionnelles de l'Asie, quelques cours sur le judaïsme, un paquet de cours sur l'Islam et une pléthore de cours sur le christianisme.

Si j'ai suivi tant de cours sur l'histoire de l'Islam c'est, en partie parce que j'étais fascinée par son expansion fulgurante entre 634 et 751 de notre ère, quasiment sans violence. À force de taxes et d'impôts rédhibitoires plutôt qu'à coups d'estoc. Je trouvais cette forme de prédication et de manière d'occuper, certes par la force, le territoire, pratiquement rafraîchissante si je comparais avec les pratiques de mes propres ancêtres qui se tapaient dessus au nom d'un Dieu qui n'avait jamais rien demandé de tel.

J'étais aussi intéressée par la relation relativement distante que l'État gardait face à la religion dans cette partie du monde et aussi le nombre de connaissances scientifiques, culturelles qui foisonnaient à Bagdad tandis que l'Europe croupissait dans son Moyen-Âge. Époque durant laquelle l'éducation était clairsemée, les connaissances dans les mains de peu de gens, l'alphabétisation élitiste et la pauvreté galopante.

Pour désennuyer les noblesses européennes, les empêcher de se pourfendre trop vivement, il fut décidé d'aller chasser l'infidèle sur ses propres terres. Au nom de Dieu. Un Dieu d'amour, de pardon, de solidarité et de partage. Mais au nom de qui on justifiait les hordes d'assassinats d'innocents pour des questions de politiques intérieures, si je raccourci un peu le schéma.

Aujourd'hui, je crois que la situation s'est inversée. Nous, Occidentaux, ne vivons plus au Moyen-Âge. Nous avons (encore) accès à l'éducation, nous savons massivement lire et écrire. Nous aimons la recherche, la science, les découvertes technologiques. Notre rapport à Dieu se fait de loin en loin. Mais, une partie du monde musulman semble pris quelque part entre tradition et modernité. Les fous qui nous tombent dessus à coups de kalachnikov et de ceintures explosives se targuent de détruire des centres culturels parce que ceux-ci recèlent, censément, des mensonges, des impiétés.

Aujourd'hui, au nom du même Dieu, ce sont nos terres qui sont menacées, nos innocents qui sont exécutés. Ce Dieu d'amour et de pardon qui donne le droit, par la bouche de certains leaders, de semer la terreur et la désolation.

J'ai peur. Comme beaucoup d'entre nous, je crois. Mais je ne suis pas tentée par les discours protectionnistes. Je n'ai pas envie que la Terre soit parsemée de murs plus hauts et plus longs que nature. Je crois que notre planche de salut c'est la tendresse, l'écoute, la compréhension, autant que faire se puisse.

Et par dessus tout l'éducation sans œillères, celle qui permet les débats et les échanges sains de points de vue.

Celle qui regarde, discute, disserte, mais qui ne tue pas.

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