mercredi, décembre 02, 2015

Un avenir confortable

Il y a quelques jours, j'ai fait la connaissance du fils de ma sœur. Tout petit bout d'homme qui, à ce moment, était certes magnifique, mais qui, étrangement, me rappelait Yoda, au grand déplaisir des parents. Pourtant, dans ma tête c'était un compliment. Étrange, sans doute, mais il s'agit d'un personnage aussi charmant que sage et dont le faciès mobile exprime beaucoup plus que ce que ses textes ne nous disent. Soit exactement ce qu'un poupon de huit jours peut partager avec le monde extérieur.

Il sentait bon le bébé, il était sage. Confiant d'être dans les bras de cette tante qui ne lui disait. J'étais fascinée. La dernière fois que j'avais tenu un bébé aussi jeune dans mes bras, c'était sa mère. Sous la supervision attentive de la nôtre, dans un divan duquel je ne pouvais absolument pas tomber et qui aurait accueilli la chute de ma sœur si jamais je l'avais échappée. Ce que je n'avais pas fait.

De son côté, Maman rayonnait. J'avais l'impression qu'elle était redevenue la mère de mon enfance. Celle autour duquel notre monde tournait. Le centre inéluctable de l'Univers. Elle ne s'arrogeait pas le rôle de la mère de l'enfant, ce n'était pas son genre. Elle se contentait d'être la grand-maman de l'un et la maman des autres. Ses poussins longuement tricotés. Ceux qu'elle avait espérés, attendus et accueillis en ce monde. Ceux qui l'avaient émue, désespérée, encouragée, touchée par les personnalités qu'elle ne pouvait pas avoir imaginer lorsqu'ils grandissaient en son sein.

D'entendre ma sœur dire : « mon fils », me faisait un drôle d'effet. J'avais suivi sa grossesse avec enthousiasme. Elle m'avait laissé toucher les mouvements impromptus sur sa bédaine comme Maman m'avait laissé sentir les trois autres, autrefois. C'était une belle histoire, une belle nouvelle, une belle vie. Sauf que ça demeurait, en quelque sorte, théorique.

Ce soir-là, la réalité me rattrapait. Celle dans laquelle j'étais une éternelle célibataire, celle dans laquelle mon petit côté porc-épic repoussait beaucoup de gens, celle qui a poursuivi toute sa vie une soif d'absolu qui n'existait probablement pas ailleurs que dans mon imaginaire et qui faisait en sorte que je travaillais mon deuil de maternité depuis bientôt cinq ans. Malgré tout, je n'étais ni jalouse ni envieuse, simplement perdue. Perdue dans le rôle que j'avais à jouer dans cette famille désormais élargie.

J'aurais dû être celle qui présentait un premier petit enfant à nos parents. Un manquement de plus à la liste déjà longue de ceux que je m'arrogeais.

Je savais que le temps m'apprendrait bien assez vite l'espace que je pourrais occuper dans ce nouvel environnement.

Et j'étais assez optimiste pour croire que celui-ci serait éminemment confortable.

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