mercredi, janvier 13, 2016

Fée des étoiles

Quand j'étais ado, en secondaire deux ou trois, je ne me rappelle plus très bien, j'avais trouvé une job de gardiennage sur le chemin de l'école. Elle consistait à aller chercher deux bambins, à pieds, à la garderie, de les ramener chez-eux et d'attendre le retour de la maman en les faisant souper. Elle n'arrivait jamais bien tard. Il me semble que c'était au printemps. J'imagine aujourd'hui qu'elle avait un cours d'été dont l'horaire ne lui aurait pas permis à temps d'aller reprendre ses enfants. Elle était monoparentale, je ne sais même pas si ses enfants avaient le même père. Je n'ai pas le souvenir de lui avoir même posé la question.

La fillette, avait dans les trois ans. Elle parlait et dessinait beaucoup. Il ne m'avait pas fallut beaucoup de temps pour faire sa conquête, un sourire, une petite blague, un coup de crayon sur le cahier qu'elle avait ouvert devant elle et l'affaire avait été conclue. Avec le petit garçon, c'était une autre histoire. Il avait autour d'un an et, bien entendu, ne parlait ni ne marchait. Il pleurait beaucoup. J'ai parcouru des kilomètres entre sa chambre et le salon en lui chantant des berceuses pour calmer ses colères. J'avais mis beaucoup de temps à me faire apprécier. D'une visite à l'autre, tout était toujours à recommencer. Ce que je trouvais difficile, c'était que je négligeais, forcément la plus grande. Elle ne semblait pourtant pas y prendre ombrage, elle me suivait en pépiant joyeusement dans mon sillage, comme si la situation était normale.

Lorsque la maman arrivait, vers les vingt heures, les deux enfants dormaient à poings fermés. Elle me demandait toujours comment cela avait été d'un air distrait et je répondais invariablement que tout avait été sous contrôle, même si ce n'était pas vraiment le cas. L'essentiel de ma mission, après tout, était de les ramener à bon port, de les nourrir et de les coucher, ce que je réussissais à tous les coups. Cette femme avait un charme nonchalant qui m'impressionnait beaucoup, je la trouvais forte comme un roc. Gentille aussi. J'aimais bien rester quelques minutes de plus avec elle avant de reprendre mes choses et me diriger vers la maison. Il me semblait qu'elle était une espèce de fée tombée par accident dans mon univers

Une fois, seulement, je suis allée garder pour une longue soirée. Elle allait voir David Bowie. Je n'avais aucune espèce d'idée de qui c'était ce mec-là avant ce jour. En fait, je savais de visu c'était qui, sans toutefois connaître son œuvre, sinon le film Labyrinthe qui faisait encore beaucoup parler, à l'époque. Mais pour elle c'était le bout du bout. Elle était extatique. Cette fois-là, elle était rentrée très tard. Toute brouillée et accompagnée. Avec le recul, je comprends qu'elle était sans doute un peu stone, ou un peu pompette. Les deux peut-être. Je l'avais trouvé absolument séduisante avec ses yeux qui brillaient de tous leurs feux et le désir qui couvait, mais que je n'identifiais pas pour ce que c'était.

Ça fait près de trente ans. Presque autant d'années sans que j'ai consacré ne serait-ce qu'une pensée à cette femme. Comme si la mort de l'homme faisait ressurgir la fée, des étoiles.

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