En déconfitures
Il y a des automnes en
déconfitures qui se concluent sur des hivers du même acabit.
Je connais des femmes qui
ont la témérité de s'engager de nouveau, après des histoires d'amour
qui les avaient laissées sur le difficile carreau des meurtries,
mais qui, contrairement à moi, ont eu assez de courage pour se
laisser aller encore à faire confiance jusqu'à se défaire d'une
part de leur cœur, ce que je ne semble plus être apte à faire,
depuis quelque chose comme quinze ans.
Je les ai regardé
fréquenter les sites de rencontres et autres machins du même genre,
un peu septique, un peu envieuse, me faisant croire que je suis trop
grosse, trop laide, trop vieille pour rencontrer une personne qui
voudrait partager, avec moi, la moitié d'elle-même.
Je les ai vues se donner
entièrement parce qu'elles avaient envie d'aller aussi loin que
possible, à coup d'audaces, de gestes qui en disaient plus que les
mots. Des gestes qui étaient, en réalité, des déclarations
claires d'intentions et de sentiments, plongeant à émotions
défendues dans les vides sidéral du rejet potentiel. Qui est ma
peur, probablement pas la leur.
Je connais des femmes qui
se sont vues foudroyer par la mort d'un parent, mais qui auront
continué vaille que vaille à se battre, à se définir, à se
devenir, à coup de gueule comme de coude. Des femmes qui m'auront
confié que cette situation était un peu prévisible, étant donné
de la vie et de la personnalité dudit parent, mais qui n'avaient
aucun moyen de prémunir devant la mort de l'autre parent qui aura
tiré sa révérence aussi rapidement que subitement. Être orpheline
avant d'avoir quarante ans est un tribut trop lourd à payer à
l'existence, selon moi, et pourtant, ces femmes sont toujours
capables de rire, de sourire et
d'argumenter sur les sujets qui leur importent.
Je sais des femmes,
meurtries jusqu'à la moelle, qui pourraient se lover autour de leur
douleur autant personnelle que sans issue et qui pourtant, un jour
après l'autre, pour leurs enfants, leurs parents, leur dignité, se
sont, malgré tout levées jour après jour, armées de leur seule
personnalité et de l'amour incommensurable qu'elles portent, et de
leurs idéaux, aussi.
Je connais des femmes qui
sont restées droites et fières dans le flot des larmes qui
accompagnent les ruptures qu'elles n'avaient ni vues venir, ni
préméditées et encore moins escomptées.
Ce soir, je voudrais leur
dire que je les admire, et surtout que je les aime, pour ce qu'elles
sont, très exactement.
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