samedi, janvier 02, 2016

Langue de vipère

Je m'étais laissée tombée sur le premier banc disponible, sans prendre garde à qui se trouvait autour de moi. Se faisant, j'avais levé les yeux pour croiser ceux, très noirs, d'une femme que j'aurais préféré ne jamais revoir. Nous ne nous étions rien dit, cet échange muet était plus éloquent que n'importe quelle suite de mots. Elle savait et je savais.

J'avais connu cette femme quelques années plus tôt. Nos chemins ne s'étaient pas croisés très longtemps, juste assez cependant pour qu'elle puisse instiller son venin dans mon existence. Quand elle avait débarquée dans mon entourage, fièrement perchée au bras d'un beau garçon de ma connaissance, elle m'avait fait une impression mitigée. Je n'en n'avais rien montré et j'avais tenté, autant que faire se pouvait, de l'accueillir dans notre cercle. J'étais la seule femme permanente de cette drôle d'unité. La seule qui n'y ait pas mis les pieds parce que j'avais été, un jour ou l'autre, l'amoureuse d'un des garçons.

Avec les années, il m'était arrivé bien souvent d'avoir de drôles de rapports avec les femmes qui se joignaient à nous. Mais j'avais toujours fini par apprivoiser les filles, leur faire comprendre que je n'avais aucune envie de courtiser leur amoureux et que l'inverse était tout aussi vrai. Ma place était ailleurs. Souvent celle de l'amie qui restait après la rupture, présence pas si souvent fréquentée, mais dont la pérénité à travers le temps faisait en sorte que d'une fois à l'autre, je pouvais additionner les bouts d'eux-mêmes et les aider à se reconstruire.

Mais lorsque la petite beauté aux yeux noirs était arrivée, il m'avait semblé qu'il y avait quelque chose de malsain avec celle-ci. Je ne savais pas quoi exactement. Elle est repartie au bout de quelques mois, laissant l'ami dans une mare de questions sans réponses. Plus rétif qu'avant elle. Plus sauvage aussi. Il nous aura fallut des années pour le ramener vers nous, pour regagner sa confiance. Comme si nous l'avions trahi.

La petite peste à la langue de vipère était de cette engeance qui distillait du poison autour de l'être aimé semant le doute dans toutes ses certitudes. Ce qu'elle ne contrôlait pas, elle le méprisait. Un groupe d'amis tissé serré, revêtait à ses yeux, je le supposais, une source potentielle de discorde. Alors elle avait semé les graines de la rupture absolue entre lui et nous. En ce qui me concernait, plus précisément. J'étais devenue une envieuse arriviste. Les années d'amitié n'ayant aucun poids dans la balance. Aux yeux de cet ancien ami, j'étais devenue, méchante et mesquine, ce qui ne me ressemblait pas.

Ça ne faisait pas très longtemps qu'il avait admis la manipulation. Il lui avait fallu piétiner son orgueil pour finir par m'écrire qu'il avait laisser un amour d'une demie année faire table rase sur des relations qui lui avaient été, jusqu'alors, nourrissantes. Si le ponts avaient été durablement brisés, nous caressions l'espoir qu'ils soient en train de se reconstruire.

En la voyant ce jour-là, j'avais eu envie de lui cracher au visage et surtout de dire à l'homme qui la regardait amoureusement de se pousser au plus sacrant.

Je n'en avais rien fait. J'avais plutôt épié sa conversation en me disant qu'elle n'était, somme toute, qu'une toute petite vipère, qui n'attendait qu'un bon coup de talon pour être anéantie.

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