dimanche, décembre 20, 2015

Les corridors du dimanche matin

C'était un dimanche matin. J'avais marché dans la ville en regardant le soleil teinter de rose le ciel et les vitres des édifices que je croisais. Il faisait juste assez froid pour que mon souffle me précède visiblement et que je presse le pas, sans trop m'en apercevoir. C'était aube magnifique dans une ville quasi endormie ce qui me donnait l'impression d'être à peu près la seule âme vivante du secteur. Les quelques promeneurs de chiens ne me saluaient pas et le chats m'ignoraient souverainement.

Le choc de mon entrée dans l'édifice du métro avait été brutal. Sous la lumière blafarde des néons, le corridor s'étendait sur une centaine de mètres. Ni plus étroit ni plus large qu'à son habitude, mais à cette heure du jour, ou de la fin de la nuit, il me semblait plus vaste que d'ordinaire. La plupart du temps, quand j'y passe, je croise la masse compacte des gens qui vont à sens inverse. L'espace clos réverbérant les discussions jusqu'à en faire bruire les murs.

Ce matin-là, le corridor était désert, enfin presque. Il était habité par cinq itinérants, stratégiquement éloignés les uns des autres. En les voyant, j'ai eu l'impression d'entrer dans un tableau de jeu vidéo et que chacun d'en eux était un obstacle à éviter, ce qui n'était pas tout à fait possible, étant donné l'étroitesse des lieux. Je m'étais sentie prendre mon souffle avant de m'avancer.

Au bout de trois enjambées, environ, une main s'était tendue, presque timidement. J'avais fait non de la tête. Quelque pas plus loin, c'était un gobelet qu'on me présentait, plus près de mes propre mains. J'avais baissé les yeux. Le troisième m'avait demander le lui payer le déjeuner, le quatrième me demandait un ou deux dollars et le cinquième m'avait suivie jusqu'à la guérite en me demandant cinq dollars de manière plus qu'insistante. Avec ce type de discours que les itinérants ont parfois pour tenter de culpabiliser les gens qui ne leur donne rien.

Évidemment que je culpabilisais. À quelques jours de Noël, toute cette solitude m'attristait. Avoir peur d'eux, de leur différence et de leur malheur, me peinait encore davantage. Cependant je savais que je ne pouvais pas mettre la main à ma bourse une seule fois, il aurait fallut que je le fasse pour tous et, franchement, je ne voyais pas comment j'aurais pu arbitrairement décider qui méritait davantage que qui. Surtout que ce sont tous des visages que je croise pratiquement quotidiennement.

C'était un beau matin qui sentait un peu l'hiver et qui me donnait l'impression d'être la seule âme vivante à des kilomètres à la ronde. Le hic, c'était que j'étais aussi la seule à qui tout le monde demandait l'obole.

Dans ces circonstances, la meute des jours de semaine, me manquait... Un peu.

Libellés : ,