Un certain port de tête
Lorsqu'elle a fait son
entrée dans ma vie, je revenais de vacances. Comme cela m'arrive
bien souvent à ces moments précis, je me sentais complètement
débordée, en retard sur tout. Cette sensation était accentuée par
le fait que cette jeune personne faisait son entrée dans notre
équipe de gestion et que, bien normalement, elle ne savait pas
encore faire les tâches qui lui étaient dévolues et que le reste
de l'équipe devait prendre une partie de la formation en charge, en
fonction de nos aptitudes naturelles.
C'était une personne
réservée, timide même. Mon bulldozer naturel était au antipodes
de sa personnalité. Je craignais un peu de l'écraser sans trop m'en
apercevoir, après tout, cela m'était souvent arrivé par le passé.
Quelques fois, par ailleurs, ces personnalités cachent une force
aussi tranquille que profonde, ce qui est son cas.
J'avais tôt fait de
remarquer qu'elle avait ce port de tête particulier des filles qui
ont fait de la danse classique assez longtemps pour que pour que les
mouvements naturels les plus minimes en gardent une certaine
rémanence. Un jour qu'elle portait une toque, je lui avais demandé
si j'avais vu juste et je crois bien que ce fut ma première
incartade dans sa muraille toute personnelle.
Avec le temps, elle s'est
avérée un formidable public à mes niaiseries. Le nombre de fois où
je me suis suis affalée sur la chaise devant son bureau en lui
annonçant que j'avais une sottise à dire et qu'elle se soit mise à
rire avant même que j'ai pu débuter mon histoire est trop grand
pour que j'ai pu en faire le compte. Ces petits riens du quotidien
d'un gestionnaire en commerce de détails dont il faut rire si on ne
veut pas en pleurer. Ma façon de contourner les difficultés, les
rationaliser pour ne pas me laisser happer par elles.
Au printemps dernier,
elle nous annoncé qu'elle était enceinte. J'étais ravie. Je l'ai
déjà dit dans ces pages, j'ai pensé longtemps que j'aurais une
panoplie d'enfants. Ça ne m'est pas arrivé alors j'ai pris un
plaisir immense à suivre la grossesse de cette collègue, au
quotidien. Si j ne lui ai pas posé cent questions sur le
développement de son enfant, je ne lui en ai posé aucune. Je devais
même en être tannante par moments. En tout cas, elle savait que je
m'y intéressais.
Elle a traversé tout le
mois de décembre, et sa folie furieuse, sans se plaindre une seule
fois. Elle m'a même solidement aidée en formant des employés quand
je n'avais plus le temps de le faire, et même avant que j'en sois
rendue-là. Malgré la lourdeur de sa silhouette, ses membres
ankylosés, elle est venue travailler tous les jours, en souriant. Je
ne l'en ai admiré que davantage.
Mais voilà que le temps
file à une vitesse retentissante et que son congé de maternité
débutera vendredi. Elle me manquera; qui est-ce que je pourrai
désormais appeler « grosse madame » en étant certaine
de la faire rire? Personne, c'est certain.
Mais je penserai à elle
souvent, à elle et à cet enfant à naître qui, je l'espère me
sera présenté plus tôt que tard pour qu'en 2016 je puisse catiner
deux fois plus qu'en 2015.
Non, je ne serai pas
mère, mais il est clair et limpide que je serai toujours maternelle.
Bonne chance mon amie,
dans ta nouvelle vie.
Libellés : Galerie de portraits
Tu as un grand cœur wiki !!!
Merci Collègue! Merci surtout de me lire ;)