Le calorifère
À l'époque de notre
première rencontre, tu m'avais dit que tu ne voulais plus jamais
vivre une relation dans laquelle tu avais l'impression d'être
attaché après un calorifère. J'avais tout de suite compris l'image
et j'y avait adhéré de bon cœur.
Le problème c'est qu'il
existait une différence entre ce que tu me demandais et la manière
dont tu agissais. Plus le temps passait, plus j'avais l'impression
que mes moindres faits et gestes étaient épiés, si je ne passais
pas tout mon temps à des côtés. Mes degrés de liberté
diminuaient de jour en jour tandis que peine et incompréhension
gonflaient au même rythme.
Les règles n'étaient
visiblement pas les mêmes pour tous. Je devais accepter les
rencontres professionnelles qui te faisaient rentrer tard et aussi de
céder la place à la famille que tu avais commencé avant d'avoir
fait ma connaissance. Ça me paraissait naturel et j'en comprenais la
nécessité. Ce que je ne saisissais pas, par ailleurs c'étaient les
questionnement incessants sur mes activités pendant tes absences.
Mon engagement, mon amour ne te suffisaient pas. Je crois que
j'aurais dû me languir, seule chez-moi, pendant que tu vivais une vie
normale.
Mais je n'ai jamais été
faite de cette étoffe. C'était d'ailleurs une des choses qui
t'avaient tellement charmé au tout début. Tu me disais souvent que
tu admirais mon indépendance d'esprit, cette faculté que j'avais de
m'occuper de ma petite personne et des gens qui m'entouraient. Tu me
disais que tu vénérais ma droiture, la fidélité inéluctable dont
je faisais preuve en toute occasion.
Alors pourquoi ne me
croyais-tu pas? Certes il arrivait que d'autres hommes me fassent de
l’œil, me laissent savoir qu'ils me trouvaient séduisante, sauf
qu'ils ne m'intéressaient pas. Je t'avais choisis et, à mon sens,
cela aurait dû te suffire. Que je me sente flattée par l'attention
d'autrui n'était que normal, après tout un compliment est
invariablement plus agréable qu'une insulte.
À la fin, j'avais le
sentiment que mes mots devenaient tes maux. Quels qu'ils soient. La
remarque la plus anodine faisait surgir la jalousie. Et rien de ce
que je pouvais dire ne semblait percer la muraille de tes doutes.
T'étais-tu seulement demandé, ne serait-ce qu'une seule fois, si ta
vision de moi n'était pas un tantinet idéalisée? Ce que tu
éprouvais pour moi, peu d'autres hommes pouvaient le ressentir. Il y
a une marche immense entre trouver quelqu'un séduisant et en être
amoureux.
Même si on s'était
mariés, même si tu m'avais fait une flopée d'enfants, la situation
n'aurait pas changée. Je ne me serais jamais laisser enchaîner dans
un amour, aussi beau soit-il lorsqu'il n'y avait que toi et moi qui
comptions dans la balance.
J'avais fini par te
tromper, pour te donner raison et avoir une bonne excuse pour te
quitter.
Ce que je fis.
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