mercredi, janvier 27, 2016

On cause pour la cause

J'ai été une enfant et une adolescente joyeuse, je crois. Ma mère m'a déjà raconté que je riais toute petite dans mon berceau, petite Mathilde déjà en quête d'une certaine reconnaissance. Avant l'adolescence, il ne m'était jamais passé par l'esprit de me trouvé autrement que jolie. Pas belle nécessairement, mais jolie, au moins.

Puis j'ai eu des amies qui trouvaient abominable que je ne me me décrive pas comme pleine d'imperfections et qui ont mis le doigt sur celles qu'elles me voyaient. Et j'y ai cru. Petites mesquineries rien que normales qui ont porté leur fruits jusqu'à ce que je sois convaincue de leur véracité. C'est une histoire banale, à travers laquelle beaucoup de filles passent.

J'étais romantique, complètement et irrémédiablement. Je m'engageais dans l'existence à coups de gueule et de butoir. À coups d'idéaux aussi. Je rêvais d'amour en lettres majuscules. Je rêvais de ces amours impossibles qui durent toute une vie après un seul regard, de celles qui font souffrir, parce que je ne savais pas mesurer autrement un sentiment, mais qui paradoxalement réparent et permettent à une famille d'y naître.

Évidemment, cette vison de l'amour, complètement déglinguée, ne m'aura poussée qu'à me mettre en déséquilibre. Profondément en déséquilibre. Attirée, à vingt ans à peine, par la spirale tenace de ma propre lourdeur, parce que l'homme qui partageait ma vie ne me choisissait pas toujours avant de se choisir lui. En fait, il ne nous choisissait pas souvent et moi encore moins. Déjà après, une première rupture amoureuse, je regardais l'orée fascinante de ce que j'appellerais, plus tard, le pays des zombies.

Ce n'est que dix ans plus tard que j'ai fini par y sombrer. Avec tout mon essence passionnée. Je me suis un jour retrouvée toute seule dans un marécage gluant dont je ne percevais plus le fond. Il m'était facile de me convaincre que je ne valait pas la peine de rien, j'étais sans diplôme, sans métier, sans argent. J'avais grossis aussi, beaucoup et je ne m'étais pas habituée à ma silhouette épaissie. Je ne me voyais que comme la somme de mes dettes et de mes manquements.

Plus encore, comme j'ai la mémoire aiguisée, j'avais la certitude que les seuls souvenirs que j'avais pu laisser dans mon sillages étaient ceux des erreurs, des mots mal avisés que j'avais pu, un jour ou l'autre prononcer. Parce que je me souvenais avec vivacité de tous ceux-là, en écartant du revers de la main, tout ce que j'avais pu faire, ou être de bien.

La remontée fut longue et ardue. Un chemin parsemé d'embûches. Accompagnée, tout du long par le magnétisme constant de la zone que je tentais de quitter. Portant en moi, désormais, une conscience lancinante de ma fragilité, du fait que je ne suis pas une héroïne indomptable et qu'il me faille m'avouer que j'ai parfois besoin d'être seule, régulièrement besoin d'aide, à différents degrés, et souvent besoin d'écrire.

Aujourd'hui, on cause pour la cause et si mon cas pouvait, ne serait qu'être un hameçon pour quelqu'un qui ne croit plus en soi, les longues années que j'ai pris à me reconstruire en auront largement valut la peine.


Libellés :