Le clan
Nous sommes six. Je nous
ai maintes fois décrites ici. Parce qu'on s'aime, parce le groupe
que nous formons me touche profondément. Entre nous, aucun sujet
n'est tabou. Aucun, vraiment. Les silences sont dus au fait que nous
sommes assez nombreuses pour que les discussions partent dans toutes
les directions tout le temps, que nous sommes toutes curieuses des
autres et avides d'écouter. Même moi, la grande gueule, il me
semble que ça me prendrait une rencontre toutes les semaines pour
recommencer à parler de moi, juste parce que j'ai envie d'entendre
leur vie, à elles.
Ça faisait un mois qu'on
s'était donné rendez-vous. L'heure, la date le lieu, avaient été
rapidement fixés. Ce qui nous surprend toujours étant donné que ce
n'est pas censé être si simple de rameuter des gens menant des
existences à ce point différentes, aux azimuts de la métropole en
en région. Sauf que la loi de Murphy nous guette et que si
l'organisation est aisée, il est évident que la réalisation sera
plus accidentée, mettons.
Pour commencer, l'endroit
où l'on voulait aller était beaucoup trop plein pour qu'on puisse
même imaginer y poser un orteil. On s'est donc rabattues sur un
endroit qui était très populaire quand nous travaillions dans le
secteur, mais qui visiblement est sur ses derniers milles. Nous en
étions les seules convives, un samedi soir. Ce qui n'a absolument
rien changé au plaisir que nous avons eu ensemble. Avec ces moments
magiques, la bonne question posée à la bonne interlocutrice qui
nous a fait voir un brin de cicatrice, un brin d'humanité. Et nous
étions toutes, à moments interposée, intervieweuse et
l'interviewée.
À un certain moment,
nous avons évoqués mes récents voyages dans le Sud et il est
devenu évident que mon échappatoire pouvait allumer pour elles
aussi quelque chose comme un oasis dans les minutes compressées de
leurs obligations.
Et il y a eu mon pied
droit. Je me suis étiré le dessous du pied en rentrant à la maison
vendredi soir. Bien étiré. Assez pour que la plante en soit enflée
et d'une couleur bleuâtre qui en indique tout l'inconfort. Ce qui
est un euphémisme patent. Penser à poursuivre la soirée, ailleurs,
en sachant que je devrais travailler sur ledit appendice aujourd'hui
m'étais impossible.
Alors j'ai été
raccompagnée à ma porte, parce que je ne pouvais en supporter
davantage, et je me sentais cheap de ne pas avoir pu aller au
bout de la soirée. Évidemment qu'elles n'en m'en tiennent pas
rigueur, c'est seulement moi qui me sent tout croche ne ne pas avoir
eu la forme. Après tout, je partais invariablement parmi les
dernières, autrefois.
Au matin, j'ai vu que la
discussion sur les escapades soleil semblait s'enligner sur une date
en 2017. Bon. Mais il y avait aussi tous ces plans sur la comète
pour nous déménager en bloc quelque part à distance pédestre les
uns des autres pour que nos rencontres se fassent plus régulières.
Dans la réalité, nous
avons réussi à nous trouver une date pour une soirée à l'opéra
en mars, avec une invitée supplémentaire. Ce qui est déjà pas
mal.
Si jamais vous entendez
dire que j'ai déménager à Saint-Meu-Meu et que je suis heureuse
dans tous les aspect de ma vie, ce sera sans doute parce qu'avec ce
clan, on aura réussi un de nos plans.
C'est une famille créée
de toute pièce, et ce qu'il y a de plus merveilleux avec elle, c'est
que c'est tout sauf exclusif.
Libellés : Digressions, Vie en communauté