samedi, mars 26, 2016

Dernier service

Ça t'avais pris des mois pour t'approcher de lui assez pour qu'il te voit. Tu avais même cesser de fumer, commencer à courir et repris ta taille de jeune fille juste pour cela. Ou presque. C'était aussi un peu pour toi, mais si peu. On se mesure généralement au regard des autres, et tu le savais pertinemment. Et tu le suivais depuis des années, glanant des informations de-ci de-là. Une première conférence, à laquelle tu étais allée obligée t'avais obnubilée.

Tes amies se payaient ta gueule à ce sujet, elle te trouvaient très comique de t'être à ce point amourachée d'un mec que tu ne connaissais que de loin, comme une adolescente qui fantasme sur un chanteur. Tu en avais pourtant largement passé l'âge et l'expérience.

Et pourtant...

Il était si charmant, si sûr de lui, si percutant et ses valeurs, du moins celles que tu devinais de loin, étaient tellement semblables aux tiennes. Tu t'étais surprise, plusieurs soirs à t'endormir en discutant, en imagination, avec lui. Tu t'en sentais proche, assez pour ne plus te sentir disponible pour d'autres hommes, amoureusement parlant.

Tu t'étais littéralement mise sur son chemin. Choisissant d'aller dans les restos, les bars qu'il fréquentait. Au début, tu le faisait avec les filles, puis seule parce que tu avais pris de l'assurance dans tes propres manèges et que tu te disais qu'à force d'être accompagnée, tu ne devais pas avoir l'air très disponible. Tu le voulais.

Une nuit trop longue, de l'alcool, qui n'excuse rien bien entendu, mais qui faisait partie de ta donne, et ce blues de fin de soirée que tu ne connaissais que trop bien sous les lumières hallucinantes du last call. Mais tu ne t'attendais pas à une telle violence, tu te croyais détraquée aux petites heures du matin, en fuite devant ta propre vie.

Dans la lumière étrange des matins sans conduite, tu ne savais plus que penser. Au bout de trois douches, tu te sentais salie. Ton corps ne t'appartenait plus. Tu avais voulu cet homme. Tu avais cherché son attention et cru l'avoir obtenue.

Et ça avait été la pire nuit de sexe de ta vie. Tu avais eu la sensation qu'il se masturbait avec ton corps sans aucune espèce de considération pour la femme que tu étais. Ça avait fait mal, physiquement et psychologiquement. Tu lui avais demandé, au début, d'y aller plus doucement et il avait ri en te répondant que tu l'avais bien cherché. Alors tu t'étais tue.

Et tu ne pouvais faire autrement que de lui donner raison, tu l'avais cherché.

Sauf que ce que tu avais trouvé, ne ressemblait en rien à ce que tu avais espéré.

Et que tu te sentais coupable, jusqu'à la moelle des os.

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