Changer de bouette
C'était une journée
ordinaire. Limite trop ordinaire. Je savais que j'avais quelque chose
le soir et je me sentais un peu sauvage. Pas du tout certaine d'avoir
la force de rencontrer encore du monde. Ça m'arrive de plus en plus
souvent ce besoin irrépressible d'être seule. Moi qui ai longtemps
fuit la solitude comme la peste. Le grand voyage au pays des zombies
m'aura entre autres appris que j'ai besoin de me retrouver seule avec
mes pensées, ou l'absence de pensées après mes semaines au cœur
du public, à chercher les bons mots à dire à tous mes
interlocuteurs. Et ils sont nombreux.
C'était une journée
durant laquelle je me sentais en deçà de mon appétit de vire
habituel, je me sentais particulièrement ronde, plus que d'autres
jours en tout cas, mes yeux larmoyaient depuis mon réveil alors il
ne me servait strictement à rien de me maquiller pour donner le
change, j'aurais fini la journée des yeux au beurre noir, ou quelque
chose y ressemblant. Et puis je savais que j'avais les hormones sans
dessus-dessous et la patience inexistante.
Dans ces circonstances,
aller à une fête ne me souriait pas plus qu'il ne le fallait. Mais
j'avais accepté d'y aller et je n'aime pas beaucoup revenir sur ma
parole. Il faut un cas de force majeure pour que je ne me présente
pas à un événement où j'ai promis de faire une apparition. Et me
sentir bouette n'entre pas dans la catégorie « force
majeure ».
Je me suis donc rendue à
l'endroit du rendez-vous. En me trompant d'arrêt comme à toutes les
fois que je vais là. J'ai pourtant écrit à quel coin de rue je
dois descendre, mais rien n'y fait, je me goure à tous les coups. Ce
qui fait que j'étais presque scregnegne en mettant les pieds à
destination.
Sauf que c'était
impossible de faire la gueule, même si je ne connaissais presque
personne, au départ. Pas seulement parce que c'est impoli, mais
plutôt parce que l'ambiance était si cordiale, que même ma
mauvaise foi légendaire ne pouvait en faire abstraction. C'était le
genre de rassemblement ultra mixte, un ramassis de personnes qui
appartenaient toutes à plusieurs groupes différents et qui se
mêlaient comme si elles avaient toutes fait leur école secondaire
ensemble. Il y avait bien quelques individus pour lesquels c'était
effectivement le cas, mais dans l'ensemble, je crois que le lien
tenait à la personnalité de l'organisatrice de l'événement qui a
ce chic de rassembler les gens épars et de les mettre à l'aise,
dans son milieu.
Somme toute, c'était
presque une journée poche qui s'est transformée en journée belle,
parce que j'ai décidé d'aller à l'envers de mes envies voir si j'y
étais et que je m'y suis retrouvée.
Libellés : Digressions