Des déchirures
Qu'est-ce qu'on peu dire
à une jeune femme, de tout juste vingt ans, qui vit une immense
peine d'amour? Une vraie de vraie, de celle qui laisse écroulé dans
l'édredon sous lequel plus rien ne dépasse sinon peut-être le gros
orteil que l'on s'empressera de cacher parce qu'il nous apparaît
soudainement trop gigantesque pour nous appartenir.
Cette peine d'amour que
peu de gens reconnaissent à cause de l'âge et du fait qu'il s'agit
en réalité d'une histoire d'amitié. Et que ceci est censément
moins important que cela, moins poignant, en tout cas.
Je n'en crois rien.
Quand on a passé le plus
clair de son enfance ou de son adolescence à faire des messes basses
de confidences sur tout, mais particulièrement sur rien d'important
avec la même personne; quand on a bravé la grande porte de l'école
secondaire avec cette fille-là en se sentant déjà un peu acceptée
parce que l'autre était là, quand on s'est échangé des notes de
manière tout à fait illégale pour se soutenir l'une l'autre dans
l'ascension des années scolaires. Quand on s'est boudé, hurlé,
chahuté et particulièrement pardonné tous les sujets, malgré le
fait que certains d'entre eux aient eu la fâcheuse tendance à
revenir poindre leur nez à chaque nouvel écueil, il en reste des
traces pérennes, qu'on le veuille, ou non.
Et quand la vingtaine se
pointe, que tout ce que l'on connaît porte de des effluves de cette
amitié fleuve et que celle-ci s'étiole pour un paquet de raisons
que l'on sait, sans pourtant les comprendre nécessairement, il n'y a
devant nous que le vide.
Que reste-il alors de nos
certitudes et de nos convictions? Qu'est-ce que nous avons dans notre
bagage personnel pour se rassurer et de se convaincre que tout ira
pour le mieux? Comment faire confiance aux personnes que l'on côtoie
à cette heure charnière, en espérant que quelques unes d'entre
elles pourront un jour porter le qualitatif d'ami malgré cette trop
grande déchirure qui nous traverse le corps?
Ce n'est pas si simple.
Comment ne pas laisser la
colère, le désabusement et une certaine forme de désespoir nous
envahir? Qu'est-ce que nous avons comme assises à ces âges
vulnérables pour continuer à foncer tête première pour se tailler
une place dans l'existence sans l'ancrage très précis de cette
première amitié qui nous était tout?
J'ai eu mon lot de peine
d'amour, d'amitié ou de couple, j'en porte aujourd'hui les
cicatrices qui me définissent et m'ont modelée au même titre que
mes bons coups.
Mais je garde une
affection toute particulière pour la Mathilde de vingt ans, qui se
heurtait contre la vie et qui a un jour décidé de s'y lover plutôt
que de continuer à la prendre à rebrousse poil, juste pour avoir
l'impression de ressentir quelque chose.
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