mercredi, mai 04, 2016

Ma Dalton

Ça fait un certain temps que je croise cette dame à l'heure de pointe sur le quai du métro Berri. La première fois, elle m'a amusée, la seconde, un peu moins et les fois suivantes un tantinet irritée.

C'est un minuscule bout de femme. Elle ne doit pas faire cinq pieds. Elle est jeune, plus jeune que moi en tout cas, je dirais trente, trente-cinq ans. Elle est aussi filiforme que petite et me semble déborder d'énergie et de confiance en elle-même.

Comme je ne la connais absolument pas, je m'imagine qu'elle a l'habitude que tout lui réussisse et surtout que tout lui soit dû.

C'est du moins ce que son attitude laisse transparaître.

À tous les coups, elle arrive sur le quai, à bout de souffle, quelques secondes avant que le train n'entre en gare. Alors, elle se met à jouer du coude pour dépasser tout le monde et se planter dans le milieu du chemin lorsque les portes s'ouvrent, créant, par le fait même une jolie cohue désordonnée parmi les gens qui tentent de sortir du wagon tandis qu'elle reste immobile jusqu'à ce qu'un minuscule espace se crée et qu'elle s'engouffre, avant que tous les passagers qui veulent partir ne soient effectivement sortis, dans la voiture.

Aussitôt entrée, elle se garoche invariablement sur le même banc. Elle semble se l'être approprié. Où croire qu'il lui appartienne, c'est selon le point de vue, je suppose. Si ce dernier n'est pas libre, elle se s'installe devant ledit banc, en foudroyant du regard la personne qui l'occupe tout en poussant de longs soupirs et en tapant du pied. Sans aucun espèce d'égards pour l'âge, l'infirmité ou quoique ce soit d'autre qui pourrait accorder la priorité de la place assise à qui que ce soit. Il n'est pas rare que son petit manège fonctionne d'ailleurs, et que la personne qui occupe l'espace le lui cède.

Elle s'assoit alors satisfaite.

On pourrait croire qu'elle a un long trajet à faire, mais rien n'est plus faut. Elle descend à Rosemont, soit quatre stations après le début de sa course.

Ce matin, ça ne me tentait pas de me laisser encore pousser par cette petite teigne. Alors j'ai fait barrage de mon corps et me suis précipitée sur son banc avant elle. Je me demande encore comment il se fait que je sois encore vivante vu la vigueur avec laquelle elle me mitraillait du regard.

C'est en la regardant sortir, que je me suis dit qu'elle me rappelait terriblement Ma Dalton.

En plus jolie.

Et ça ne m'a qu'amuser davantage de ne m'être pas laisser intimider.

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