Mes deux mères
Je suis une drôle de
bête, ça fait longtemps que mon entourage le sait. D'abord, j'ai
deux mères, ce qui n'est certes pas courant.
Bon, on s'entend, il n'y
en a qu'une qui m'a portée en son sein, une seule qui a m'avoir
tricotée fibre après fibre. Une seule à avoir panser mes plaies
d'enfance et du reste de mon existence. Une mère que j'admire et
honore. Pour ce qu'elle a fait de nous, ses enfants, ses poussins,
ses cocos, ses petites œuvres d'art qu'elle aura eu le courage de
laisser devenir eux-mêmes malgré les craintes, les peurs, les
appréhensions et malgré les jambettes aléatoires qui nous aurons
fait trébucher, tour à tour.
Une seule mère que
j'admire et honore pour ce qu'elle a fait dans l'histoire des femmes
du Québec, dans sa vie professionnelle. Ce n'est pas tout le monde
qui peut se taguer d'être née de la matrice d'une femme qui
contribué à ramener la profession sage-femme à la légalité. Une
mère qui savait être sévère quand il le fallait, mais douce et
conciliante lorsque ça s'imposait. Une mère qui me fournissait les
balises nécessaires à mon développement, mon épanouissement.
Parce que sans balises, il est si facile de s'écrouler sur son
propre socle.
Une seule mère qui, dans
mes pires moments, ne m'a pas rejetée. Elle m'a plutôt ramener au
bercail, m'expliquant avec luxe de patience à quel point mes belles
qualités pouvaient être mes défauts les plus difficiles à
surmonter. Une seule mère qui peut m'aimer aussi complètement et
inconditionnellement.
Ma deuxième mère ne m'a
évidemment pas mise au monde. En fait, c'est plutôt moi qui l'ai
vue pousser. Pousser dans la matrice que nous avons partagée à
quelques années de distance, pousser comme être humain, aussi. Sauf
qu'elle a mis au monde cet l'automne dernier et depuis... Depuis j'ai
le sentiment que ses angles se sont adoucis. Je la trouve d'une
générosité sans bornes à mon endroit.
En premier lieu, elle me
permet de connaître son fils. Dès qu'elle en a l'occasion, elle
vient me faire une petite visite au travail, histoire de me faire
admirer les risettes de l'enfant. Elle me laisse le serrer contre mon
cœur, lui faire des bisous, l'endormir moi-même, sans me suivre
pas-à-pas. Une belle assurance qui témoigne de sa maturité dans
son rôle de mère et de confiance à mon endroit. Je ne suis pas
mère moi-même et ne le serai sans doute jamais, sauf que je suis à
même de supposer que c'est une offrande bien précieuse qu'elle me
fait.
En deuxième lieu, elle
réussit à composer avec une maisonnée pas si simple dont elle est
le centre complet et complexe avec beaucoup de bonhomie et d'humeur
joyeuse même sil le gros chien lui demande une attention constante
et que le chat fait fait son indépendant pour mieux quérir son
attention tandis que l'enfançon a toujours besoin de soins
constants, parce qu'à pas tout à fait six mois, l'indépendance ne
fait pas partie de la donne. Je suis perpétuellement ébahie par le
talent qu'elle a d'additionner toutes ces données et d'en faire
quelque chose de cohérent.
Je suis une drôle de
bête, mon entourage le confirmera sans hésiter. Pour commencer,
j'ai deux mères que j'aime et que j'honore pour les femmes qu'elles
sont.
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