Mes chemins buissoniers
Le printemps m'est tombé
dessus à bras raccourcis, aujourd'hui. Une fois que j'ai eu mis un
pied dehors, pour aller faire des courses qui ne me tentaient, au
départ, pas du tout, j'ai fais tous les chemins buissonniers entre
le point A et le point B, puis du B au C et ainsi de suite jusqu'à
mon retour à la maison. Au bout du compte, un petit besoin essentiel
à comblé qui aurait pu me prendre une dizaine de minutes a fini par
m'en prendre presque 120.
Évidemment, j'étais
beaucoup trop habillée, parce que j'avais considéré que le facteur
vent était frisquet, comme dans les derniers jours. Mais malgré
l'eau qui me coulait dans le dos, je ne pouvais me résoudre à
rentrer si vite chez-moi. Il me fallait arpenter les rues, profiter
du soleil et du paysage mouvant que me présentaient tous les êtres
qui, comme moi, s'étaient laisser tenter par le goût du printemps.
Je reste dans un quartier
aux antipodes de lui-même. Certaines rues me sont très
sécuritaires, presque en voie de gentrification et si ce n'est le
cas, tellement bien habitées par les mêmes familles depuis des
décennies, qu'il ne peut pas vraiment m'y arriver quelque chose de
fâcheux puisque je fais désormais partie de leur décor et que si
je ne ne suis pas partie prenante de leur meute, elles me
reconnaissent comme faisant partie intrinsèque de leur territoire.
D'autres rues par contre, me sont beaucoup moins fréquentables, et
je les évite soigneusement depuis des années.
Dans ce soleil chatoyant
de mai, je me sentais un peu délinquante alors j'ai osé mettre le
pieds là où je ne vais jamais. Après tout, il faisait si beau et
un détour de plus de pouvait que me rendre heureuse. C'est ainsi que
je suis tombée sur un skate park minuscule sur le coin de
deux rues particulièrement achalandées. Là, j'ai vu des hommes se
donner en spectacle pour tous les badauds qui croisaient cette
intersection.
Ils étaient jeunes, pour
la plupart, mais pas tous. Le clivage se faisait surtout dans les
sports pratiqués, deux gangs y partageaient les mêmes rampes avec,
à mon sens, beaucoup de politesse et de savoir vivre. Il y avait les
patineurs sur roues alignées et les plancheurs, sur roulettes. Au
premier regard, j'ai eu l'impression que c'était un festival de la
testostérone en démonstration. Ils n'étaient pas excellents, rien
pour en faire le genre de film viral qui pullule sur les réseaux
sociaux. Mais ils étaient profondément en harmonie avec leur propre
corps.
Je les ai trouvé
particulièrement sexy. Pas tant dans leurs prouesses, qui, elles, me
laissaient passablement indifférente, mais dans leur grâce absolue
d'hommes très exactement dans leur corps.
Et je me suis prise à
penser que si les hommes se mesurent entre eux en termes de prouesses
casses-gueule, les femmes sont peut-être plus enclines à êtres
fascinée par l'élégance imparfaite d'un homme qui s'habite, tout
simplement.
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