dimanche, mai 01, 2016

Le mantra

Ce voyage avait pourtant bien commencé. Du moins, le plan d'avant le voyage semblait super. Deux filles en jeune trentaine, l'Europe dans un circuit pas tout à fait organisé. Un petit brin d'autonomie pour se donner l'impression de pouvoir un peu faire ce que l'on voulait dans les villes que nous visitions et rien à prévoir rendu sur place pour les couchers et pour le transport entre les différentes destinations. Il me semblait que c'était quelque chose s'approchant du nec-plus-ultra pour un premier séjour outre Atlantique.

C'était sans compter sur ce que ma compagne de voyage et moi avons compris, à la dure, sur nos personnalités contradictoires dans ce genre d'environnement. C'est bizarre à quel point on peut s'entendre à merveille avec quelqu'un dans la vie de tous les jours, quand on retourne dormir chez-soi avec nos petites bébites qu'on ne présente jamais face publique, et la réalité du voyage qui nous fait nous retrouver vingt-quatre heures sur vingt-quatre avec la même personne que l'on ne connaissait pas tant que cela.

Je ne dirai pas qu'elle était horrible, ce serait mentir. Je dirais, cependant que nous ne nous convenions absolument pas comme compagnes de voyage. Point à la ligne.

Pour m'éviter de me gâcher le voyage, je m'étais mise à jaser avec d'autres personnes du groupe avec lequel nous faisions les étapes. Tous des Québécois. Dont une femme qui me faisait beaucoup rire et avec laquelle j'avais passé des heures à jouer aux cartes. J'aime jouer aux cartes, surtout avec quelqu'un qui a de la conversation. Cette dame en avait.

Elle était une conteuse qui s'ignore. Elle me disait continuellement qu'elle radotait. Moi, je buvais ses paroles. Ses anecdotes sur ses enfants étaient truculentes. Je savais bien qu'il existait un décalage certain entre ce qu'elle me faisait vivre par ses mots et le moment où elle me les racontait parce que ses enfants, selon ses dires, n'étaient jamais sortis de l'adolescence. Pourtant, je savais, toujours par ses informations qu'ils étaient désormais adultes et parents à leur tour. D'ailleurs, elle me disait souvent, en clignant de l'oeil:! « J'ai un fils » comme un mantra.

Ça me faisait bien rigoler cette insistance. Je ne le connaissais pas, il ne me connaissait pas. Je n'avais aucune espèce d'idée de ce à quoi il ressemblait et bien honnêtement, n'avais pas non plus tant envie que cela de savoir qui c'était. C.'était e genre de blague de vacances qui était destiné à rester une blague de vacances.

Et me voilà, quelques années plus tard, en couple avec ledit fils qui a eu le courage de me contacter, au travail. En m'envoyant une fausse demande d'emploi complètement ridicule pour le profil recherché. Le genre de truc que je rejette d'ordinaire du revers de la main, mais j'étais allée jusqu'au bout de la lettre d'introduction juste parce qu'elle était bien foutue. Et c'est là que j'avais compris qu'il était le fils dont mon récent voyage m'avait baratiné les oreilles.

Je lui avait donné rendez-vous par respect pour sa mère. Je l'ai aimé, par respect pour lui.

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