Exagération, quand tu me tiens
Je crois que je peux
affirmer que je suis née conteuse. J'ai toujours adoré les
histoires, surtout celles d'avant le dodo dans ma petite enfance.
Mais pas seulement. En fait, c'est une qualité que je partage avec
mes frères et ma sœur. J'ai des souvenirs d'enfance, lorsqu'on se
faisait garder et que nous écoutions attentivement la gardienne nous
lire les albums que nous avions à la maison et que nous connaissions
par cœur. Nous avions aussi beaucoup de disques qui avaient le même
rôle.
J'étais tellement
impatiente de pouvoir lire à mon tour pour découvrir les mots sans
avoir besoin d'un adultes pour me les traduire. Pas tant parce que ce
n'était pas bien fait, mais bien parce que j'étais lasse d'avoir à
attendre que ce soit l'heure du conte, elle n'arrivait jamais assez
vite pour moi.
Je me rappelle encore de
la première fois où j'ai lu, une phrase toute seule. C'était de la
magie. L'image au dessus des lettres m'aidait, bien entendu, mais
j'avais décodé moi-même les signes mystérieux. Après cette
première réussite, le reste a été très vite et pas tout à fait
un an plus tard, je lisais un premier roman qui ne contenait presque
pas d'images.
Je ne sais pas vraiment à
quel moment j'ai commencé à écrire des histoires, mais je sais que
je n'avais pas encore quitté l'école primaire. Même dans mes
journaux intimes, j'organisais la vérité comme disait ma mère. Je
la magnifiais, mais je finissais invariablement par écrire un
post-scriptum qui m'expliquait à moi-même que j'avais exagéré.
Ce trait de caractère,
je l'ai gardé, voire même cultivé. Le sens de l'exagération, je
veux dire. Tellement que ma supérieure immédiate, dit à qui veut
l'entendre, qu'il faut diviser par cinq tous les chiffres que
j'avance. Tout cela pour dire que, comme j'amplifie tout, il arrive
que lorsque je n'amplifie pas, les gens ne me croient pas tout à
fait.
Alors, quand j'affirme
que je suis aussi souple que du bois mort, je présume que la
majorité des gens se gaussent un peu de l'expression sans y attacher
d'importance. Sauf que c'est l'exacte réalité.
La semaine dernière, je
faisais un casse-tête. Quand je tombe là-dedans, je m'y lance à
fond. J'ai une table à café sur laquelle je fais aller mes doigts
et mes méninges en me chantant l'air de Pruneau qui « cherche,
cherche dans sa tê-ê-te, où vont les morceaux de son casse-tête ».
Et je peux faire cela des heures durant. Généralement, je perds
tout sens du temps. Je dois me mettre des alarmes afin d'éviter de
me coucher trop tard, pour tout avouer.
Alors donc, la semaine
dernière, je faisais un casse-tête et je me suis étiré un muscle
en voulant aller placer une pièce dans un coin dudit casse-tête.
Pas un muscle du bras ou de la main, non, ce serait bien trop normal.
Non, je me suis étiré l'aine gauche. Bien comme il faut. J'ai passé
trois jours à avoir toutes les peines du monde à marcher et mes
nuits étaient quasi blanches (sans l'aide de mes voisins) parce qu'à
toutes les fois où je roulais sur le dos en dormant, je me
réveillais avec l'envie de hurler à la lune.
Fa que, la prochaine fois
que vous m'entendrez dire que je suis aussi souple que du bois mort,
ayez une petite pensée gentille pour ce manque de souplesse que je
qualifierais, disons, d'handicapant...
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