mercredi, août 17, 2016

Noir d'encre

À ma sortie du travail hier, il pleuvait. C'était dru, froid et il y avait des piscines en bordures des trottoirs. Je ne fais jamais cela, mais j'avais demandé un lift à une employée jusqu'au métro histoire de ne pas faire la ligne orange complètement détrempée. Grand bien m'en fit, pour le temps précieux que j'ai gagné.

Je suis arrivée au métro Papineau vers 22h05 et me suis engouffrée à l'épicerie du coin, histoire d'aller me chercher le lait nécessaire à mon café matinal. Je revenais vers les caisses quand tout s'est éteint. Pendant une dizaine de seconde, j'étais figée dans le noir le plus complet, avant que les génératrices ne prennent le relais. C'est très court, dix secondes ans une vie, sauf que ça m'a parut fichtrement long avant que ne s'allument ces espèces de phares qui m'indiquaient où se trouvaient les abords du magasin. Je suis passée à la caisse avant de franchir la porte pour me précipiter dans une noirceur intense.

Je voyais, à l'ouest, des lumières si lointaines qu'elles étaient floues. Dans toutes les autres directions, c'était le néant. La station de métro était bien entendu illuminée, cependant je l'ai rapidement laissée derrière moi pour me rendre à la maison. Et j'avais peur. Pas de me faire attaquer, la température horrible étant garante de cette forme de sécurité. J'avais peur parce que j'ai peur des pannes d'électricité en partant, mais surtout parce que je devais traverser les voies d'accès du pont Jacques-Cartier pour me arriver à bon port. J'avais froid et je ne voyais pas où je mettais les pieds. Bien entendu, j'ai dû les mettre dans tous les nids de poule que j'ai croisé.

Arrivée à la première traverse, j'ai vite constaté que le trafic n'était pas trop intense et que j'avais largement le temps de passer de l'autre côté de la voie. Mais à la seconde, celle de la rue Papineau direction sud, les voitures étaient nombreuses et allaient très vite dans les circonstances. Heureusement, j'étais du bon côté de la voie, celui où on les voit arriver justement. Dans l'autre sens, il y a un édifice qui coupe complètement la vue sur la rue Papineau ce qui rend quasi impossible la traversée lorsque les feux pour piétons ne sont pas enclenchés.

J'ai traversé rapidement, dès que j'ai eu une fenêtre pour le faire, sans courir, parce que je ne voulais pas prendre le risque de glisser et de me faire écrapoutir au passage. J'ai retenu un cri de mort en mettant le pied sur le trottoir opposé parce qu'il y avait là un homme que je n'avais absolument pas vu avant d'être presque sur lui. J'ai poursuivi ma route et ça m'a pris un temps fou à réussir à entrer ma clef dans la serrure ; je ne la voyais pas. J'aurais bien pu sortir mon téléphone pour m'éclairer, mais avec la pluie diluvienne, je n'étais pas certaine que ce soit une très bonne idée.

Je me suis illico changé, j'ai cherché une chandelle et me suis résolue lire pour éviter de penser à la panne. Je ne me suis pas mise en colère, je n'ai pas paniqué, mais je n'aimais pas ça du tout. Je n'aime jamais ça.

Et puis, je me suis dit que ma situation aurait pu être bien pire ; si j'avais pris l'autobus, comme d'habitude, l'électricité aurait manqué alors que j'étais à Berri. Et faire tout ce chemin à pieds, dans le noir, dans des rues que je connais pas mal moins par cœur, eut été une épreuve dont j'étais bien contente de m'être passée. Cette heureuse supposition a, par ailleurs, contribué à me calmer les nerfs.

J'ai tout de même poussé un soupir de soulagement quand l'électricité est revenue. Permettant à mon corps de se relaxer assez pour que je puisse aller me coucher.

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