Vivres l'effet des étoiles filantes
Les gens qui me sont
proches savent que je me suis beaucoup laissée emporter dans les
dernières années. Je me plongeais dans la colère comme d'autres se
plongent dans une activité sportive. Si je savais que ce n'était
pas une manière adéquate de gérer des situations émotivement
chargées, je n'en mesurais pas très bien les impacts. J'imagine
qu'à trop avoir le nez collé sur le tableau, j'en finissais pas en
oublier le paysage.
Je ne me suis pas mise en
colère depuis un peu plus d'un an maintenant. Oh, j'ai vécu un
paquet de situations stressantes, j'ai senti les émotions me
submerger plus d'une fois, sauf que je n'ai pas laisser ma violence
me happer. Pas de cris à m'en déchirer les cordes vocales et les
tympans des auditeurs ; pas de rage de mots qui dépassent la
pensée et laissent des traces dans les mémoires ; pas d'actes
violents envers moi-même ou des objets inanimés.
Ça n'a l'air de rien
comme cela, sauf que de déconstruire ces mauvaises habitudes, ces
réflexes de protection, ce n'est pas si simple. Sentir l'adrénaline
monter, savoir quelle pourrait être la suite, l'admettre, prendre un
battement de cils de recul et aviser mon interlocuteur qu'il vient de
me heurter de plein fouet, que ce soit volontaire ou non, et que
j'aurais besoin d'une minute ou deux de silence et être capable,
après ce délai, de passer à autre chose.
J'en vois aujourd'hui,
les dividendes. D'abord, je trouve beaucoup plus facile de vivre avec
moi-même. Parce que pas de grosse colère, ça veut aussi dire pas
de grosse culpabilité dans les jours qui suivent. Je constate aussi
que des personnes que j'aime beaucoup manifestent plus régulièrement
l'envie de me fréquenter, ne craignant plus de voir surgir une
explosion quasi volcanique au moment où ils s'y attendaient le
moins.
C'est ainsi que j'ai
passé la nuit dernière debout à regarder les étoiles filantes.
Chez des amis et aussi sur les routes qui nous ramenaient vers la
ville au cœur d'une chaude nuit estivale. Une nuit tranquille lors
de laquelle toutes les discussions étaient aussi amicales que
teintées de vérités. Personne ne semblant vouloir prendre tout
l'espace. Ce qui me concerne au premier chef. Il m'aura fallut une
pluie d'étoiles filantes pour mesurer tous les étapes que j'avais
franchies en un an. À commencer par ne plus avoir ni besoin ni envie
de prendre tout l'espace de discussion dans un groupe pour plutôt me
laisser bercer par les mots de tous (incluant les miens), les yeux
levés vers le ciel.
Je suis rentrée à la
maison à une heure indue, fatiguée et heureuse. Trop fourbue pour
dormir en fait. Ça faisait bien longtemps que je n'avais pas vu le
soleil se lever sur une nuit sans sommeil qui ne soit pas causé par
le stress ou toute autre forme d'ancienneté. J'ai profité du
moment. Seule dans mon lit, les yeux grands ouverts, et le cœur
aussi.
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