Une forme de magie
Depuis que la folie
Pokémon a atteint le monde, il me semble que je suis souvent la
seule personne, dans un autobus, à ne pas avoir les yeux
systématiquement rivés sur mon écran à la recherche de la
créature rare à attraper. Combien de fois, déjà, me suis-je fait
dire : « Mathilde, ne bouge pas, tu as un Pokémon
derrière l'oreille ! » Ce qui, vous l'admettrez, est un
peu déconcertant. Il y en a même plusieurs sur mon lieu de travail,
un centre d'achats, est semble-il un très bon lieu pour la chasse.
C'est ainsi que je vois
clients et employés arpenter les allées du centre commercial, dès
que possible, à la recherche de la prochaine bête à attraper. Je
ne peux pas dire que je ne comprends pas cet engouement, je suis
moi-même joueuse, mais pas à ce jeu-là. Pour toutes sortes de
raisons, en commençant par le fait que je me sais susceptible d'être
complètement accro, ma folie des casses-tête en faisant foi.
Une drôle de bise a
cependant commencé à souffler sur cette folie vers la fin de la
semaine dernière. Une autre forme de folie, tout aussi réjouissante
pour ceux qui y participent. La librairie vibrait d'effervescence
depuis que 14 grosses boîtes bien scellées prenaient une bon part
de notre espace d'entrepôt. Les employés tournaient autour en
essayant d'apercevoir un peu du contenu de celles-ci. Tout le monde
a, par ailleurs, respecté l'embargo.
Beaucoup d'entre-eux,
m'ont offert de rentrer plus tôt dimanche matin pour m'aider à
faire la mise en place. J'avais choisi de déplacer mon quart de
travail entre 7h et 15h, plutôt que de faire le 9h à 17h habituel.
Ils m'arrivaient aussi avec un paquet d'idées aussi bonnes
qu'inusitées pour faire une vitrine accrocheuse et jolie. J'ai
trouvé cela amusant et touchant à la fois, parce que d'ordinaire,
pas grand monde ne se précipite pour se lever aux aurores un
dimanche matin. Sauf qu'il s'agissait ici de la sortie du dernier
Harry Potter (même s'il s'agit en réalité d'un texte théâtral,
plutôt que d'un roman en bonne et due forme), un personnage qui a
marqué leur vie de lecteurs.
Pour un certain nombre
d'entre-eux, c'est ce qui les amené à la lecture. Ou plutôt qui
les a accrochés à la lecture. Ça leur avait ouvert un monde qui
les sortaient des écrans cathodiques en étant au moins aussi
intéressant que ce que les consoles avaient à leur proposer. Ils
connaissent souvent par cœur de longs passages des romans, parlant
de Harry et de ses acolytes comme s'ils étaient leurs amis intimes.
C'est ainsi qu'employés
et clients se sont rués sur la librairie à son ouverture dimanche,
en me disant qu'ils vivaient une grande émotion puisqu'ils
retrouveraient leurs personnages favoris et qu'ils ont collectivement
troqué le téléphone pour un bouquin le temps de se replonger avec
délectation dans le monde créé par J.K. Rowling.
C'est ce que j'appelle de
la magie.
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