Bonheur perlé
Dans l'église du
village, les bancs se remplissaient lentement. Ça et là les
familles se regroupaient entre elles. Tous les individus, étaient,
bien entendu, sur leur 31. Entre deux rangées de immuables, des
mères tançaient les enfants qui jouaient à cache-cache en
attendant que la cérémonie débute. Cette scène aurait pu se
passer n'importe quand dans l'histoire du Québec, si ce n'avait été
du fait que les papas s'occupaient des poupons qui pleuraient devant
ce décors inconnu tandis que leurs compagnes poursuivaient une
discussion, confiantes que leurs bambins était entre bonnes mains.
Je ne connaissais
personne, ou presque, dans l'assemblée. Ce n'était pas ma famille
ni, pour la plupart, mes amis. Bien entendu mon regard curieux et
avide d'humanité ne pouvait faire autrement que de faire et refaire
le tour de la salle pour épier les personnages qui pourraient s'en
dégager. Ma petite enquête fut interrompue par la musique provenant
du jubé, et comme tout un chacun j'ai regardé la mariée descendre
l'allée pour aller rejoindre celui qui allait devenir son époux. Je
l'avais aperçue, un peu plus tôt, je savais donc qu'elle serait
magnifique. La réalité ne m'a pas détrompée. J'ai cependant été
surprise par le brouillard mouillé qui a obscurci ma ma vision
devant le bonheur qui perlait de tous les pores de sa peau.
Je n'ai pas refoulé mes
larmes. Je les ai savourées, une à une. Elles étaient aussi belles
que la jeune femme que j'avais connue si timide, mais qui, en ce jour
dont elle était l'un des deux pôles, jouait son rôle avec grâce
et dignité.
Je n'ai pas retenu grand
chose de ce que le prêtre a raconté, si ce n'est que la maison qui
serait fondée, le serait sur l'amour. Et comme tous les témoins de
cet instant, j'en mettrais ma main au feu, j'y croyais fermement. Je
me sentais privilégiée d'avoir été invitée à partager des
promesses qui venaient à ce point du cœur, quelles que soient mes
réticences toutes personnelles à faire une promesse à une dieu ou à
un autre.
Lorsque la noce s'est
déplacée pour la suite des événements, je ne peux pas dire que la
bâtisse qui nous accueillait me faisait bonne mine. À tout le moins
de l'extérieur. J'ai gardé mon jugement pour moi, grand bien m'en
fit. Parce qu'à l'intérieur, c'était tout elle. Simple, chaleureux
et convivial. Une espèce de parabole explicite sur l'anecdotique de
l'apparence extérieure, dans une certaine mesure.
J'ai retenu à grand
peine un hoquet de pleurs durant le discours de la première
demoiselle d'honneur, qui rendait hommage à deux amis d'enfance et
plus précisément à cette jeune femme que je connais et qui m'y
avait invitée. Elle racontait une femme généreuse, intègre,
honnête et sans jugements à priori
qui résonnait très fort pour moi dans la perception que j'avais de
cette femme. Et surtout dans ce que je connais de l'amitié.
Quand
je suis partie, la fête ne faisait que commencer. Et on m'a remercié
de ma présence comme si ça avait fait la différence.
Moi
je savais que c'était complètement erroné. En ce jour, c'est moi
qui avais pris une grande bouffée d'amour, une goulée infinie d'air
aussi pur et candide que faire se pouvait.
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