Légumes d'automne
J'ai grandi à une époque
où toutes les télévisions n'étaient pas en couleurs. Mes parents,
qui plus est, mettaient des limites de temps devant l'écran et nous
envoyaient régulièrement jouer dehors hiver comme été. J'avais
des amis qui n'avaient pas de telles limitations et qui me trouvaient
bien malchanceuse de devoir vivre avec cela. Personnellement, ça ne
me dérangeait pas outre mesure ; j'y étais accoutumée et
puis, j'avais des livres à découvrir dans les moments lors desquels
les amis n'étaient pas disponibles. Il me semble que je ne
m'ennuyais jamais.
Si la télévision ne
prenait pas encore tout l'espace qu'elle occupe aujourd'hui, il va
sans dire que les appareils électroniques mobiles étaient une
denrée encore plus rare. Certes, les voitures étaient munies de
radio-cassette auto-réversibles, mais on oubliait souvent de prendre
différentes cassettes avec nous. Ça évitait probablement aussi un
certain nombre de chicanes fraternelle à savoir qui aurait le haut
du pavé quand à ce que tout le reste de la tribu aurait à endurer.
Alors on finissait toujours par écouter les deux mêmes albums de
Robert Charlebois et Julien Clerc. Je suis d'ailleurs pas mal
convaincue que nous connaissons encore tous par cœur l'ensemble des
chansons de ces albums.
Comme nous avons beaucoup
voyagé en voiture, il va sans dire que nous devions trouver une
quantité appréciable de jeux à faire pour les trajets. Étant
victime d'un solide mal des transports, je n'ai jamais été
particulièrement assidue à la lecture ni a d'autres activités qui
demandent une concentration, à mon avis surhumaine, lorsque les
lignes dans sous mes yeux. Je préférais, déjà à l'époque,
m'inventer des histoires que je me racontais jusqu'à ce qu'elles
aient trouver une fin qui méritait mon attention.
Une des activités que
nous faisons beaucoup lors de ces longs périples, qui prenaient
parfois plus d'une journée, c'était de chanter ensemble. Ma mère
connaît un nombre fantastique de chansons du répertoire
traditionnel québécois recensé par l'Abbé Grandbois et nous les a
transmises. Je m'amuse souvent à me moquer de mon pas de talent en
ce domaine, mais bien entendu j'exagère. Non, je ne chante pas très
bien, mais pas aussi mal que ce que je laisse entendre, en tout cas
pas assez pour avoir reçu une quelconque interdiction de me joindre
à la fête familiale lorsque nous entonnions en cœur les airs que
nous aimions.
Le hic avec tout cela,
c'est qu'il m'arrive assez régulièrement d'avoir une de ces
chansons dans la tête et que pas grand monde autour de moi ne peut
comprendre ce à quoi je réfère. Souvent, un simple mot où une
idée me colle une de ces mélodies dans le cerveau sans que je sois
capable de l'en décoller. Et le truc d'écouter ladite chanson
jusqu'à ce qu'elle s'évapore de ma mémoire échoue lamentablement
dans ces cas-là.
Ces temps derniers, je
prépare une journée de cuisine d'automne une de mes amies. Et
depuis que nous avons établit les plans de cette activité, j'ai la
chanson de la ratatouille dans la tête. Ce n'est pas qu'elle soit si
mauvaise, mais quatorze jours à me chanter la même ritournelle sans
pouvoir m'en défaire, ça commence à être long.
Je m'ennuie presque de la
chanson de l'escargot de Zazou...
Presque...
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