dimanche, septembre 11, 2016

De l'intimidation

Des fois je me dis que je suis une bien drôle de personne. J'ai toujours adoré aller à l'école et pourtant, pas grand chose ne m'y prédisposait. Pas que je sois une crétine finie, loin de là, mais je n'ai jamais été première de classe et contrairement à beaucoup de mes amies, qui elles l'étaient, il ne me suffisait pas d'écouter en classe pour réussir. Je devais travailler, faire mes devoirs et mes leçons, et je ne peux pas dire que j'y étais particulièrement dévouée ; j'avais bien trop peur de passer pour une nerd si j'étais prise à aimer faire ce genre de chose. Et s'il y a un étiquette que je voulais à toute force éviter de porter, c'était celui-là.

Parce que j'avais fait l'expérience de l'intimidation dans mon enfance. À l'époque, on ne disait pas que c'était de l'intimidation. On était dans la gang ou on ne l'était pas. On était in ou on était out. Enfant, je comprenais que je n'étais pas admise par les leaders de ma classe. C'était pas mal tout. Mais une école n'est pas une classe. Il y avait les récréations lors desquelles je pouvais frayer avec des gens qui n'étaient pas dans ma classe avec lesquels j'étais bien. Et ceux qui me rejetaient étaient beaucoup trop occupés à faire les importants pour daigner aller voir de quelle manière je passais le temps libre qui m'était imparti.

Alors, comme beaucoup d'enfants, j'attendais les rentrées qui se succédaient avec impatience, pour revoir mes amis, pour apprendre plein de nouvelles choses et remplir ma petite tête déjà rêveuse, de toutes sortes d'informations, qu'un jour j'apprendrais à lier entre elles, dessinant ainsi les premières esquisses d'analyses sur les sujets que j'aimais.

C'est à l'adolescence que je refusais à toute force l'étiquette de nerd. J'avais réussi à faire le passage à l'école secondaire en laissant le grand rejet derrière moi, il n'était pas question que je m'y replonge juste pour avoir de meilleures notes. Je n'étais pas très bonne, certes, mais en dehors des mathématiques je n'étais pas si mauvaise non plus. Je n'en avais pas du tout conscience cependant, parce que bien souvent, on mesure nos échecs de façon beaucoup plus acérée que nos réussites.

J'avais donc un paquet de bonnes raisons pour détester l'école. Mais il n'y avait rien à faire, j'aimais cela. Je pense que c'est au cégep que je me suis mise à dire à qui voulait l'entendre qu'à mon avis le système scolaire mesurait un potentiel de réussite dans ledit système et pas l'intelligence des gens qui étaient évalués. Un mantra auquel je me suis accrochée pour me rendre jusqu'à une scolarité de maîtrise, malgré certains échecs. Une façon de refuser de me laisser intimider par un système dans lequel je ne cadrais pas très bien.

Parce qu'il ne faut pas se leurrer, l'intimidation peut prendre bien des formes. Celles de nos pairs en est une et elle est particulièrement douloureuse, mais ça peut aussi venir de gens qui ne nous veulent que du bien. De tout ce qui fait en sorte qu'il faille rentrer dans le moule de l'éducation étatisée qui ne se donne plus les moyens d'accompagner les différences d'apprentissage.

Et je crois, qu'au bout du compte, le plus difficile de ces années ce n'était pas le rejet. C'est les chiffres gigantesques en rouge surlignés qui me montraient que je n'avais pas réussi un test ou un devoir. M'accrocher à l'école, continuer à aimer la fréquenter est à ce jour, je crois, ma plus grande réussite.

Il m'aura fallut treize ans de recul et une dépression pour comprendre que j'avais fait là un cheminement hors du commun.

Et j'en suis fière.

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