dimanche, septembre 25, 2016

Une question de goûts

Je vois fréquemment la même femme bizarrement attifée près de la station de métro que je fréquente quotidiennement. Quelquefois à l'intérieur, pas toujours cependant. C'est difficile de ne pas la voir ; elle semble affectionner les couleurs vives, voire criardes et les mêle toutes. Je ne sais pas son âge, mais cela doit s'approcher du mien, même si elle a l'air beaucoup plus vieille que moi.

Elle porte généralement une jupe trop large, bien roulée autour de ses hanches pour ne pas la perdre en route, qui est d'un jaune violent. Elle a différentes couches de chandails à fleurs immenses qui crient les uns par rapport aux autres et elle est chaussée d'espadrilles blanches desquelles surgissent des bas blancs qui remontent jusqu'à ses genoux. Ses cheveux gris, presque blancs sont noués en une queue de cheval dont la moité s'est échappée et qui lui retombe perpétuellement sur les yeux.

Il m'arrive parfois d'être distraite, à l'épicerie, et de passer à la caisse derrière elle. À tous les coups, c'est d'une longueur inimaginable. Visiblement, elle a beaucoup de peine à bien comprendre les prix et doit continuellement réviser les achats prévus pour rentrer dans son maigre budget. Si je ne la juge pas, d'autres le font sans vergogne. Combien de fois aie-je entendu des quolibets et des commentaires disgracieux sur sa tenue ou la lenteur avec laquelle elle complète ses achats ? Je ne saurais le dire, le pire selon moi, ce sont les caissiers qui ne sont pas toujours très cléments avec elle.

Il y a quelques jours, je suis sortie de l'épicerie juste derrière elle. Et sur le trottoir, se tenait un homme vêtu d'un chandail des Nordiques usé à la corde. Il portait un pantalon de fortrel carrelé dans drôles de tons orangés. Il avait des lunettes trois fois trop grosses pour son mince visage et avait un serre-tête rouge avec des oreilles de diablotin sur la tête. Lorsqu'il a vu surgir la dame que je suivais, son visage s'est fendu d'un sourire aussi généreux que radieux. Elle s'est arrêtée, lui a tendu sa petite menotte fripée qu'il n'a pas prise tout de suite, il s'est plutôt chargé de la délester de ses sacs. J'étais coincée dans la porte derrière eux, témoin involontaire de cette scène touchante tandis que dans mon dos, on me disait pas très poliment de me pousser de là.

Eux, ne voyaient rien de la vilenie de leur entourage. Il se sont dignement dirigé vers la station de métro, fiers, avec raison, d'avoir accompli la mission qu'ils s'étaient fixés.

Je les ai regardé disparaître dans la station, me laissant bousculer par tous les quidams pressés qui n'avaient pas eu la chance de les trouver beaux.

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