vendredi, septembre 23, 2016

Un visage de la peur

Ligne verte. Extrême ouest. Je crois que j'y avais atterri après être allée voir un spectacle à l'extérieur de Montréal et que mon transport m'avait laissée à cet endroit que je ne connaissais que peu. Il était tard, la rame était vide, ou presque. Je n'avais pas encore l'habitude des excentriques qui forment la vaste faune que je croise, aujourd'hui quotidiennement.

Je me rappelle que j'étais fatiguée et passablement irritée contre moi, parce que dans l'excitation de l'activité d'où j'arrivais (et don je ne me rappelle pas du tout), j'avais oublié mon livre et de changer les piles de mon lecteur de cd. Il va sans dire qu'à cette époque, je n'avais pas l'ombre d'un téléphone entre les mains.

Ça peut paraître absurde, mais les œillères qu'on peut se mettre quand on est en transport en commun, pour se donner une contenance, sont comme des remparts intangibles autour de soi. Cette nuit-là, je n'avais rien pour me donner l'air occupé et j'essayais, tant bien que mal de ne pas fixer trop les autres passagers. Il me semblait que le train passait un temps infini dans les tunnels, entre deux stations. Sauf que ce sentiment n'était chimère de mon imagination.

Toujours-est-il, que je voyais deux jeunes hommes se disputer violemment dans le wagon voisin depuis quelques temps. J'essayais vainement de ne pas y porter attention, sans grand succès. Je faisais mon possible pour me concentrer sur les craques du plancher.

Comme on s'approchait de Lionel-Groulx, je me disais qu'on atteindrait une certaine foule, malgré l'heure tardive et qu'enfin, je pourrais me sentir un peu plus en sécurité. C'est alors qu'un des deux jeunes hommes qui se disputaient a décidé de franchir les portes entre les deux wagons. J'étais assise juste à côté de la porte, à cette époque, ça se pouvait sur la ligne verte. Il était fort jeune, mais il me faisait penser à Samuel Jackson dans ses personnages les moins rassurants, cheveux et yeux fous en sus. Comme j'avais évité soigneusement de porter de trop près attention à la scène que je ne pouvais m'empêcher d'apercevoir, je ne savais pas très exactement ce qui s'était passé entre les deux protagonistes. Sauf que j'avais sous les yeux, un gars plus jeune que moi d'une dizaine d'années, qui avait visiblement été atteint par un objet tranchant : il saignait abondamment, sur moi.

Je n'écrivais pas ce blogue à l'époque. En réalité, je ne savais même pas ce qu'était un blogue. Mais j'avais pris une note sur l'anecdote dans un cahier. Ce qui l'a ramené à ma mémoire, cependant, c'est une photo de Samuel Jackson à la une d'un magazine pour le film Miss Peregrine's home for peculiars children.

Depuis, je revis cet événement en boucle dans ma tête. Et la peur que j'avais alors ressentie est intacte.

Malgré le fait que je n'ai pas été en danger ni à l'époque, ni aujourd'hui.

Cependant, pour moi, il s'agissait de ce qui s'approche le plus, du visage de la peur et cette image refuse, obstinément, de s'effacer de mon esprit.

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