Clin d'oeil
Samedi, un peu avant
dix-huit heures sur le quai du métro Montmorency, quatre
adolescentes que j'estimais être en secondaire deux ou trois,
faisaient le pied de grue en attendant le prochain train. Elle
semblaient avoir quitter la maison de A pour poursuivre leur fin de
semaine dans la maison de B. J'étais frappée par les nombreuses
différences qui se dégageaient de leur petit groupe,
particulièrement dans leurs physionomies respectives. J'avais
l'impression de voir les hormones travailler à des vitesses
différentes.
Mais surtout, je me
revoyais au même âge, faire exactement la même chose : partir
de Laval où nous avions passer le vendredi soir à écouter les
derniers vidéos que toutes filles de nos âges se devaient d'avoir
vus, pour aller terminer passer la soirée du samedi à Montréal,
chez une autre fille du groupe, souvent chez-nous, afin de se dire
que nous n'avions pas passer toute la fin de semaine en banlieue,
comme si cela aurait risquer de ternir irrémédiablement nos
réputations.
La différence était la
longueur du trajet parce que les autobus avaient la fâcheuse
habitude de faire le tour du monde pour se rendre à destination
tandis que les jeunes filles qui se trémoussaient devant moi
n'avaient que trois stations de métro à parcourir en quelque chose
comme cinq minutes. D'ailleurs, elles n'étaient pas pressées ;
elles avaient longuement hésité avant de monter dans le train,
déçues qu'elles étaient que ce ne soit pas un métro Azur. Je
pense qu'elles en avaient laissé passer quelques uns juste pour
pouvoir raconter qu'elles avaient fait un tour dans un de ces engins,
d'une manière dégagée, devant les autres élèves de l'école, le
lundi matin.
Quand elles avaient fini
par se précipiter dans le wagon que j'occupais, juste avant que les
portes ne se ferment, mes souvenirs d'adolescence s'étaient à
nouveaux mis à danser devant mes yeux. Parce qu'il n'y avait aucune
espèce de forme d'égalité dans leurs relations : je pouvais
dire qui étaient la leader, qui la seconde, qui la troisième et qui
la faire valoir. J'avais occupé beaucoup de ces rôles à mon
époque, rarement, sinon jamais celui de leader cependant. J'ai
d'ailleurs appris, il n'y a pas longtemps, qu'un de mes professeurs
avait dit à mes parents que je n'avais pas beaucoup l'attitude d'un
enfant aîné. Si cela voulait dire d'amener tout le monde à me
suivre, en effet, je ne l'avais pas du tout. Je préférais de loin
jouer les seconds violons, le leadership, je l'ai développé plus
tard.
Je ne fais pas toujours
exprès de porter une oreille attentive aux discussions qui
m'entourent, dans ce cas précis, j'étais au cœur de leur tempête
adolescente. Qui ressemblait en tous points à celles de la mienne.
Leurs discussions portaient sur les gars de l'école, des filles qui
n'étaient pas leurs amies, des profs qui étaient plus ou moins cool
et des films qu'elles écouteraient une fois rendues à destination.
Le plus ironique dans
tout cela, c'est que je me suis aperçue qu'elles fréquentaient
exactement la même école que moi à leur âge, quand je passais mes
fins de semaines entre Laval et Montréal.
Comme si la vie voulait
me donner une preuve qu'elle change sans cesse tout en restant
immuablement la même.
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