Larmes de fond
Lors de ma dernière
vraie grosse colère, de celles que je ne contrôle absolument pas,
j'ai eu vraiment peur d'avoir mis en jeu beaucoup de choses et de
gens qui me sont chers. Je savais depuis longtemps que mon
comportement était totalement inacceptable sauf qu'il m'avait
fallut, je crois, atteindre le fond de mon marais très personnel
pour prendre conscience de tous les effets néfastes que ce
comportement avait sur moi.
J'ai donc entrepris de
défaire ma mauvaise habitude, mais surtout de comprendre les
mécanismes qui la déclenchaient. Ça n'a pas pris beaucoup de temps
pour faire un lien qui était sans doute évident : je me
choquais pour cacher ma peine.
Bon.
Le problème que je
rencontre depuis, c'est que j'ai l'impression d'être une fontaine
intarissable. Non, je ne braille pas à gros sanglots. Je ne me
liquéfie pas non plus. Mais j'ai la gorge serrée souvent et les
larmes aux yeux à des moments importuns.
Moi qui me targuais de ne
pas pleurer, je me retrouve continuellement sur le fil du rasoir dans
mon quotidien. Ça me déstabilise complètement parce que j'avais
érigé un mur solide d'indifférence autour de ma personne. Ça me
permettait de prendre les coup de gueule des clients enragés sans
trop de dommage. Maintenant, je les prend de plein fouet, larmes
incluses, même si je peux encore m'appuyer sur mon orgueil pour ne
pas les laisser paraître devant la personne qui ne les mérite pas.
Beaucoup de gens
affirment que pleurer n'est pas un signe de faiblesse, mais de force.
Je pense qu'il y a du vrai là dedans, sauf que ça n'en demeure pas
moins inconfortable. Non, je ne retournerais pas à mes états de
colère passés. Ne serait-ce que pour préserver tous les gains que
j'ai fais depuis cette absence d'agressivité.
N'empêche que je ne me
sens pas toujours à l'aise avec ces émotions qui remontent et
m'enveloppent. Cette connaissance de ce qui m'atteint.
Il y a des moments où je
préférerais pouvoir me lover encore dans la fausse indifférence
dont je faisais preuve. Surtout quand je vois venir certaines
tornades émotives.
Un changement drastique
dans mon emploi, avec une équipe que je ne connais pas et qui ne me
connaît pas davantage, par exemple.
Mais ce n'est pas la
seule chose que je vois poindre. Il y a quelque chose qui m'a fait
vraiment perdre les pédales il y a un an et demi qui est sur le
point de se répéter.
Je me sens fragile, les
larmes de fond s'élèvent et menacent de me faire tanguer.
Et j'ai une peur quasi
paniquée de déraper.
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