Le troisième angle du voisinage
Je reste au même
endroits depuis des années. Le voisinage a toujours été aussi
particulier que bruyant. En tout cas, assez pour créer un impact sur
mon sommeil. En plus, j'ai parfois l'impression que l'entièreté de
ce voisinage se donne la tag pour s'échanger le rôle de l'importun
qui raccourcit mes nuits.
Il y a quelques temps, je
me suis fait réveiller par un cri tonitruant autour de 4h30 du
matin. Un homme hurlait : « t'es où » en parcourant
le le parc qui s'étale sous mes fenêtres. Il y avait un mélange de
désespoir et de colère dans sa voix. Lorsqu'il avait fini par
trouver l'objet de sa quête, ce devait être à sous une des tables
à pique-nique qui se dressent juste devant la porte de l'appartement
(ben il y a une rue entre les deux, sauf que c'est vraiment tout
proche). Je n'ai pas trop compris ce qu'il criait à son
interlocuteur, son débit était trop saccadé et sa diction pâteuse
à souhait. N'empêche que ce matin-là, je n'ai pas trouvé le moyen
de me rendormir, dérangée par la violence qui était contenue dans
ce que mes oreilles percevaient. J'étais certaine qu'il y avait un
interlocuteur, parce que j'entendais les grondements diffus d'une
voix rocailleuse sans être apte à en saisir le contenu.
Et ce matin, c'est
revenu. Le même homme hurlait sous mes mes fenêtres. Du moins, je
crois que c'est le même homme parce qu'il me semble que c'était la
même voix. Il s'adressait sans doute, d'ailleurs à la même
personne que la fois précédente parce que le roulement de cailloux
des réponses imperceptibles était aussi au rendez-vous. Mais celui
dont je décodais les paroles était sans aucun doute beaucoup plus
sobre et plus calme. J'ai fini par comprendre les tenants et les
aboutissants de la querelle.
En fait, ces deux
personnes se partagent un territoire pseudo-habitable du parc
longeant la rue que j'habite tandis que d'autres se logent le long de
la descente du pont. Il y était question de squatter ces endroits
depuis plus longtemps que d'autres d'où les spot du côté moins
bruyant du parc en question. Le crieur se targuait d'avoir été le
premier à s'installer durablement dans le secteur ce qui lui
donnait, selon ses termes le l'avantage du premier choix. Et sa
colère était due au fait que l'autre, celui que j'entendais sans le
comprendre, avait uriné sur le territoire revendiquer par l'autre.
Bon, je dois admettre que
je n'aimerais pas du tout qu'un voisin vienne pisser sur les plancher
de ma maison, je le comprenais d'être en furie.
N'empêche que je suis
lasse de me faire tirer des bras de Morphée par ces envolées
dérangeantes. C'est peut-être pour cela que je me rappelle beaucoup
plus souvent de mes rêves ces temps derniers, à force d'être
réveillée brutalement en plein milieu de mon sommeil paradoxal.
Mais en même temps, je
n'ose pas espérer que la température fasse en sorte que le logement
à ciel ouvert qui existe visiblement devant chez moi, ne soit plus
praticable, parce qu'alors je sais que je me demanderai où ils sont,
ces hommes qui y vivent depuis quatre ou cinq mois. Et que j'aurai
peur pour eux qu'ils ne se soient pas trouvé un abris pour affronter
l'hiver.
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