Objets perdus
Toute personne ayant un
jour travaillé avec moi sait que j'ai un problème de clés :
je les perds continuellement. Peut importe les dispositifs que
j'essaie d'adopter pour ne pas les égarer partout, c'est
immanquable, à un moment ou à un autre, je me mets à fouiller
frénétiquement sous les feuilles de papiers, dans tous les recoins
d'un bureau, dans les bacs à recyclage à la recherche de ce bien
sous ma responsabilité. À chaque fois, j'ai des sueurs froides
jusqu'à ce que le brillant du métal finisse par me faire de l’œil
et je fini par poser ma patte sur le trousseau, immensément
rassurée.
Mes histoires de clés
volages ne se limitent pas seulement à mon travail cependant. Je
n'ai pas tenu le compte du nombre de trousseaux que j'ai égaré dans
ma vie, sans doute pas loin de la vingtaine. Les pires moments de mon
existence à cet égard, c'était quand je pouvais verrouiller les
portes de mon appartement sans mes clés et me rendre compte, en
voulant rentrer, qu'elle étaient à l'intérieur. Quand j'habitais
seule, ce n'était pas commode, quoiqu'il y avait un double chez le
concierge, sauf que celui-ci n'était pas toujours chez lui quand
j'en avais besoin.
Tout ça pour dire que
j'ai fini par croire qu'il y avait quelque chose dans mon karma au
sujet de ces objets qui se dissimulent à ma vue. Combien de fois,
après avoir fait refaire tout le trousseau, ne les aie-je pas
trouvées dissimulées dans une doublure de manteau lorsqu'elles s'y
étaient plongées par le trou d'une poche que j'avais négligé de
reprisée ? Je ne saurais dire.
Toujours est-il que je
suis rentrée à la maison cette semaine et qu'arrivée devant la
porte, je me suis retrouvée devant une porte que je ne pouvais plus
ouvrir. Je sais que j'avais mes clés avant de partir du travail,
elles n'étaient pas au bon endroit et je les ai volontairement
changé de place pour être certaine de ne pas me faire de peur en
arrivant chez-moi.
Faut croire que j'aurais
dû les laisser là où elles étaient parce que visiblement, je les
ai prises dans mes poches pour les mettre dans mon sac-à-main mais
que j'ai sérieusement manqué mon coup : elles n'y sont plus.
Par chance, ce soir-là,
je voyais de la lumière émaner de la chambre de mon colocataire.
J'avais donc une chance de rentrer à bon port sans trop de heurt. Et
la porte s'est effectivement ouverte sous un éclat de rire devant ma
mine déconfite.
Je suis une étourdie, je
l'ai toujours été : je rêvasse dès que j'ai une parcelle de
seconde pour le faire. Alors forcément, il y a des détails qui me
sortent de la tête. Je perds continuellement mes clés et mes
porte-feuille, mais je crois que ce pourrait être bien pire.
Je me rassure en me
disant que je ne perds pas la tête, c'est déjà ça de pris.
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