Tirer le sommeil
Je me suis réveillée ce
matin avec un goût de bile au fond de la gorge. Je savais que
j'émergeais d'un cauchemar, ma température et les battements
effrénés de mon cœur me le confirmaient. Comme c'est souvent le
cas en pareille situation, je n'avais que peu de prise sur les
lambeaux de mes songes, sauf le désagrément qu'ils m'avaient causé.
Si je me savais dans mon
lit, je n'avais plus aucune idée de la date et du jour de la
semaine. J'ai d'abord pensé que j'avais oublié de mettre mon réveil
et que j'étais largement en retard pour le travail. Mais un bref
coup d’œil à la fenêtre dont les rideaux étaient mal tirés m'a
vite fait comprendre que c'était impossible. En voulant regarder
l'heure à ma montre, je me suis souvenu que je l'avais
volontairement laissée sur la vanité de la salle de bain. Afin de
ne pas passer la nuit à regarder le temps s'écouler, justement.
Je savais qu'il ne me
servirais à rien de regarde mon cadran parce qu'il est en avance de
je ne sais pas combien de temps. Petit psycho-truc pour ne pas virer
folle à le voir m'indiquer une heure qu'il est largement plus tôt
que 6 heures du matin quand je me lève pour aller travailler.
Il ne me restait que deux options, s'il me fallait absolument savoir
l'heure : me lever pour aller chercher ma montre ou me lever
pour aller appuyer sur la touche de mon téléphone.
J'étais
encore désorientée par le mauvais rêve qui me revenait peu à peu
en mémoire en ressacs confus. Il y avait des dates, plein de dates
comme autant d'échéances qui me criaient que je ne les atteindrais
jamais. Et la lueur ténue du petit matin qui filtrait dans les
interstices des rideaux. J'ai fin par me rappeler que j'avais congé.
Mon sens des responsabilités et ma hantise d'arriver en retard où
que ce soit se sont immédiatement calmé les nerfs.
Et
puis le rêve s'est reformé devant mes yeux comme si je ne m'étais
jamais éveillée. J'avais perdu mes mots !
Le cauchemar se résumait à cela. Une semaine sans pouvoir écrire
et savoir qu'on en était au vendredi sans que je sache aligner deux
mots de suite sur la page. Je voyais la semaine se défaire en
heures, en minutes, en secondes en sachant que j'avais omis de mettre
mes pensées par écrit et que si je voulais tenir la promesse que je
me suis fait il y a presque deux ans j'aurais à produire deux textes
à une vitesse folle alors que plus un seul mot ne me venait à
l'esprit.
Je
me suis levée, frissonnante. Et j'ai passé la journée à regarder
la page blanche à me demander si une fois de plus, je pourrais la
franchir.
Libellés : Digressions