mercredi, octobre 19, 2016

Mal prise

T'es mal prise hein, jeune femme d'aujourd'hui ? Tu n'as pas très envie de te déclarer féministe parce que tu te sens jugée par tes pairs, particulièrement les filles, qui voient en ce mot qu'un moyen de raccourcir la tête des hommes pour des raisons qui apparaissent abstraites. Surtout si t'es irrémédiablement hétérosexuelle. Tu n'y peux rien, ce sont les hommes qui t'attirent et dans cette sexualité là, ce serait préférable que tu ne sois pas trop vindicative, du moins c'est ce que tu crois.

Alors, tu te tais, quand un gars qui te plaisait dans les lumières tamisées du bar, mais devant lequel tu t'étais sentie mal, très mal, à un contre une. Parce que c'était ça. Un contre une. Tu es mal prise quand sa violence t'éclabousse le visage, quand tu as l'impression qu'il se masturbe sur ton corps, avec ton corps, sans égard à ce que tu ressens. Malgré toutes les réticences que tu pousses sur la table de vos ébats, ou plutôt des siens.

T'es mal prise quand tu n'as pas verrouillé ta porte à double tour et qu'un homme, que tu ne connais absolument pas s'est assis sur le bord de ton oreiller pour te dire que tu l'avais aguiché, trois heures plus tôt, au bar où tu étais passé poser une bise sur la joue d'une amie qui en avait besoin. Tu ne l'avais même pas vu, ou si tu l'avais aperçu, tu n'y avais porter aucune importance en supposant que l'inverse avait été réciproque.

T'es mal prise parce que les années passant, tu n'as plus aucune espèce d'envie d'être séduisante, parce que tu vis avec les réminiscences de ce moment où ton corps n'a pas pu être un rempart suffisant, alors tu l'as desséché jusqu'à la moelle. Assez pour te promener désormais en chaise roulante ou avec des béquilles pour soutenir des jambes chétives. Au moins ce processus aura remplit son premier objectif : tes règles n'existent pas davantage qu'un enfant qu'on aurait pu t'imposer.

T'es mal prise parce qu'au lieu de t'étioler, tu t'es laisser alourdir jusqu'à ne plus pouvoir percevoir tes propres contours, t'étant laisser couler dans les couches de graisses juste assez pour ne plus attirer le regard des prédateurs en quête des plaisirs de celles qui ne veulent pas les offrir. Mince victoire. À ton entier détriment.

T'es mal prise parce que quoique tu dises, tu seras jugée, et tu le sais. Les autre femmes te traiteront de jalouse, les hommes de sorcière, de féministe, d'hystérique, ou autres qualificatifs déplaisants. T'es mal prise parce que que quoique tu taises, la chape de ta culpabilité se lovera autour de toi jusqu'à ce que tu trouves une oreille, une seule, à laquelle tu puisses confier ton vécu sans jamais être certaine qu'on te croit.

T'es mal prise parce qu'il n'y a aucun espèce d'échappatoire à ta réalité : on t'a trahi dans le plus intime de l'intime, parce que le corps que tu habites le permet. Et que même intellectuels ne voient pas le mal que cette violence t'a faite, après tout nous ne vivons pas dans un état en guerre.

T'es mal prise, parce que si tu commences à te dire que le féminisme, finalement c'est pas si pire, un millier de trolls vont se manifester sur ton mur, pour te rappeler à quel point il est facile de saper ta confiance en toi.

T'es mal prise... J'aimerais te dire que ça va passer, mais je sais pertinemment que je suis au moins aussi mal prise que toi.

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