Entrées par effraction
Je me
rappelle un retour de séjour dans les Laurentides, je devais avoir
dix ou onze ans, parce que je dormais déjà dans la grande chambre
du rez-de-chaussée, lors duquel on s'était aperçus que nous avions
été dévalisés. Ce n'était pas la première fois qu'un tel
événement se passait sur la rue, je savais que c'était arrivé un
24 décembre, quelques années plus tôt à l'autre bout de notre
tronçon. Si je connaissais les victimes, rien de ce que me amies qui
l'avaient vécu avaient pu me raconter ne m'avaient rendu la
situation tangible.
Mais ce
soir-là, dans la bise hivernale, je ressentais jusque dans mes os,
un froid que n'avais jamais perçu jusqu'alors. À cette époque de
ma vie, ma maison était le lieu par excellence de ma sécurité.
Sauf que la porte du séjour était désormais branlante et il
manquait des appareils électroniques ainsi que mon sac de couchage.
Je n'avais alors pas compris pourquoi le sac de couchage avait
disparu, dans ma très grande innocence. Mes bijoux de pacotilles
eux, étaient restés bien à leur place, peut-être en fut-il
autrement des bijoux de ma mère, je ne m'en rappelle plus.
Après les
événements, il m'avait fallut plusieurs jours pour me remettre à
dormir paisiblement. Beaucoup de bruits, parfaitement normaux, me
faisaient sursauter une fois que le soir était tombé et on s'entend
que la nuit gagne son pari sur le jour très longtemps dans les
hivers québécois. Ça ne s'est cependant pas reproduit, pour nous à
cette adresse-là. Alors, l'impression d'insécurité s'était
graduellement amenuisée jusqu'à devenir le souvenir confus que je
narre aujourd'hui.
Je vis dans
un quartier haut en couleurs depuis plus de sept ans. Je sais qu'il
est arrivé à plusieurs demeures du voisinage d'avoir des visites de
dévaliseurs. Juste à la porte d'à côté d'ailleurs, c'est arrivé
au moins deux fois en quelque chose comme cinq ans. Ces voisins ont
fini par se faire installer un système d'alarme et mon colocataire
et moi-même nous sommes toujours félicité d'en avoir un bien actif
et largement identifié dans nos fenêtres, ça nous donnait
l'impression que nous ne vivrions jamais rien du genre. Et payer un
système d'alarme quand on habite au rez-de-chaussée d'un telle
quartier, nous apparaissait une sage idée.
Grand bien
nous fit de ne jamais avoir eu l'idée saugrenue de le faire
désactiver. Cet après-midi quelqu'un a tenté de forcer l'entrée
de l'appartement. Mais il s'est fait casser les oreilles par le bruit
tonitruant du système. Je ne sais pas combien de temps ça sonne
avant de s'arrêter de soi-même, mais ça n'a pas dû être très
agréable pour les personnes qui étaient à domicile pendant qu'il
se faisait aller les aigus.
Mis à part
un penne endommagé, nous nous en tirons avec rien pantoute. Le
système a rempli son office de faire déguerpir les intrus avant
qu'ils ne puissent mettre un pied dans l'appartement. Ceci dit, je me
sens exactement comme dans mon enfance quand j'étais fébrile à
l'idée d'aller me coucher. Je sais que je vais avoir toutes les
misères du monde à trouver le sommeil quand viendra l'heure de
poser ma tête sur l'oreiller.
Je sais que
je vais avoir l'envie très forte d'armer le système avant d'aller
me coucher, juste pour me rassurer.
J'espère
cependant que je ne laisserai pas ce genre de peur prendre le pas sur
ma vie.
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