Appelez-moi Alfred
Depuis mon changement
professionnel ; je me lève à l'heure des poules. Correction,
je me lève bien avant l'heure des poules, en fait j'arrive au
travail avant qu'elles n'aient eu l'idée saugrenue d'ouvrir l’œil.
Monter un magasin, c'est une job physique et ça implique qu'il nous
faut êtres présents quand les électriciens commencent,
c'est-à-dire 6h30. Je suis gâtée, mon quart lui, ne débute qu'à
7 heures.
Peu à peu, je fais la
connaissance avec l'équipe qui se joindra à nous. Contrairement à
la réalité du Carrefour Laval, l'équipe est très mixte, à la
fois dans la direction et sur le plancher. Je ne sais pas vraiment si
c'est une conséquence du fait que nous soyons sur l'île de Montréal
ou plutôt que nous soyons davantage orienté en musique sauf que la
différence est bel et bien là, je ne peux pas le nier. Je me sens
un peu comme à l'époque ou j'intégrais tranquillement une ligue
d'improvisation à Sherbrooke parce que beaucoup de gars, ça veut
forcément dire beaucoup de taquins et mettons que je commence à
avoir un aperçu du champ lexical de leurs niaiseries.
Cependant, me voilà
confronté à une situation que je n'ai jamais vécue en 43 ans
d'existence, je ne suis pas la seule Mathilde de la boîte. Qui plus
est, nous sommes trois. Ça me laisse perplexe. Depuis douze ans que
je travail pour l'entreprise, jamais je n'ai eu à utiliser autre
chose que mon prénom pour m'identifier sur les lieux de mon travail.
Bien entendu, avec le temps, j'ai vu passé ce prénom dans d'autres
succursales, mais nous étions assez peu nombreuses pour être
uniques en un lieu.
Ma première idée a été
de me résoudre à utiliser continuellement mon nom de famille. Mais
bon, ça fait long de dire à tous les coups Mathilde Cazelais. Six
syllabes bien découpées. Comme je suis généralement appelée un
peu partout plus souvent qu'à mon tour et que généralement, il
faut que je réagisse au quart de tour, j'entrevoie déjà plein de
petits pépins dans le quotidien. En riant, ce matin, j''ai dit à
mes collègues : « dans ce cas, appeler moi Alfred »
puisque c'était déjà un surnom avec lequel je vivais au Carrefour.
Mais un de mes collègues s'appelle Frédéric, alors lui se retourne
à tous les « Fred » qui fusent. Ça ne m'avance pas
tellement.
Bon. Je suis souvent
Mathie, mais les deux autres aussi. Crotte de bique. Je suis
quelquefois Wiki-Mathie, Tatie-Mathie ou Mathildette, mais je trouve
que ça aurait un drôle d'effet dans l'intercom du magasin, surtout
si c'est pour aller régler un cas avec un client difficile, mettons
que ça pourrait avoir une incidence sur l'impression de
professionnalisme que je pourrais dégager.
Bref, pour la première
fois de ma vie, j'ai un problème de dénomination. On va finir par
s'adapter et trouver des stratégies, c'est comme rien.
N'empêche que, ça me
fait tout drôle de me retrouver dans cette situation. Comme si ça
m'obligeait à me regarder sous un angle que je n'avais jusqu'alors
pas imaginée.
Les apprentissages
émanent parfois d'endroits où on les attend le moins.
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