Une voix
C'est bien connu, je suis
j'ai une addiction sévère à la première chaîne de Radio-Canada.
Je me dis parfois que c'est parce que je suis célibataire et que
cette radio parlée me tient lieu de compagnon de vie. La plupart du
temps, je me dis que c'est parce que j'aime apprendre. Si
l'université n'était pas aussi chère, je n'aurais jamais cessé de
fréquenter ses bancs. Faute de mieux, je me rabats sur la culture et
la connaissance qui sont à ma portée.
Bref, il m'arrive souvent
d'être seule à la maison le samedi soir. Je pourrais me morfondre
et me dire que c'est un signe que je n'ai pas de vie, mais non,
j'écoute la radio. C'est ainsi que je j'ai commencé à écouter La
route des 20. je n'en suis pas
le public cible, j'ai laissé la vingtaine derrière moi depuis
longtemps. Cependant, je suis curieuse de mon environnement, curieuse
des gens avec lesquels je travaille, alors j'ai laissé mes oreilles
traîner sur cette émission, au début pour avoir une une idée
approximative d'une bonne partie des gens avec lesquels je travaille,
par la suite simplement parce que le contenu m'intéresse.
Cette
émission a une manière particulièrement champ gauche d'aborder les
sujets. Récemment, ils ont traité de la voix des transsexuels qui
passent d'hommes à femmes. Bizarrement, ça a résonné pour moi.
Je
suis une femme, je l'ai toujours été dans mon corps et dans ma
tête. Mais j'ai une voix grave. Certainement accentuée par la
cigarette, sauf que je cet état de fait existait dans ma prime
adolescence. La toute première fois que je me suis fait taquiner à
ce sujet, c'était un de mes oncles qui m'avait dit, au téléphone
que j'avais une voix de gars. Je pense que l'objectif recherché (et
atteint) à ce moment précis était de me faire grimper dans les
rideaux. N'empêche que...
Lorsque
je travaillais au Carrefour Laval, il m'arrivait, au moins une fois
par semaine, de me faire dire, au téléphone : « Bonjour
monsieur... ». Je suppose que ça m'arrivera encore dans ma
nouvelle vie, mais je n'ai pas encore répondu assez souvent au
téléphone pour le savoir. Toujours est-il que que ça m'irrite à
tous les coups. Il m'est même arrivé de d'annoncer que j'étais une
femme et que mon correspondant continue à me donner du « monsieur »,
comme si mon affirmation n'avait aucune espèce d'importance. Je
finissais, immanquablement dans le bureau de gestion à rigoler comme
une bonne de l'incident, alimentée par mes collègues qui étaient
devenues des amies et j'arrêtais d'y penser.
Mais
en écoutant ce reportage radiophonique, bien entendu que je trouvais
que ces femmes avaient des voix d'hommes, peut importe les accents
toniques. Sauf que... Sauf que je me suis dit que ma perception de
leur voix n'avait aucune espèce d'importance, s'ils m'annoncent
qu'ils sont des femmes quelques que soient mes soupçons sur leur
identité de genre à la naissance, il me semble que le B-A ba de la
courtoisie serait de continuer la conversation en leur disant :
« madame » c'est la base du respect.
Ce
respect me semble une denrée rare de nos jours.
Et
honnêtement, mes petites frustrations ne sont que grains de sable
dans une mer beaucoup plus vaste.
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