Théorie des espaces
Des fois, je me demande
comment faire pour me faire comprendre. Il me semble que j'ai essayé
toutes les formes de langages à ma disposition, sans grands
résultats. Je sais que tu aurais voulu que je sois pleine de
confiance en moi à toutes les étapes de ma vie, que les critiques
me coulent sur les épaules pendant que je les rejetterais du revers
de la main. Le problème tu vois, c'est que la confiance en soi ça
ne se pousse pas en travers de la gorge des gens à qui on voudrait
la voir acquérir.
Je doute. De moi, de la
place que je dois prendre, de cet espace précis qui pourrait m'être
imparti à condition de bien vouloir le saisir. L'astuce, c'est que
prendre sa place, c'est un fin jeu avec le reste de la société. À
te regarder aller, il me semble parfois que tu as oublié ce léger
détail, avec le temps. Comme rien de ce que tu ne dis ou fais ne
pourrait avoir d'influence sur l'intégrité morale ou physique de
qui que ce soit, par conséquent, j'ai l'impression que tu t'attends
à ce que toutes tes connaissances fassent exactement de même pour
se tailler une place au soleil.
Je travaille très fort
pour désamorcer mes mécanismes de défense, surtout parce que j'ai
enfin compris à quel point ils m'ont été nuisibles. N'empêche que
mon inconscient, lui, ne suit pas toujours la parade. Mes songes se
peuplent de situations stressantes qui me réveillent en sueurs à
coups de gémissements angoissés. Je rêve essentiellement de rejet,
quelles que soient les personnes en présence. Certains jours, c'est
au travail, d'autres c'est en famille, d'autres ce sont mes cercles
d'amis. Au bout du compte, c'est juste la même histoire de manque de
confiance en moi qui se répète.
Au début de la période
de rêves, je ne les racontais pas. Je n'avais aucune espèce d'envie
de les analyser et d'en comprendre le sens profond. Ce n'étaient que
des rêves, après tout. Puis, j'ai fini par saisir qu'ils revenaient
toujours lorsque je me sentais envahie par une présence non
sollicitée. Même discrète. À tous les coups, ça me remets en
question de la tête aux pieds. À tous les coups, je me retrouve
devant la même case départ, celle du jour où j'ai pris une
décision fondamentale pour moi, qui, évidemment allait avoir des
conséquence sur moult autres personnes, parce qu'il est infiniment
rare qu'une décision que le prend sur le front social n'ai aucun
impact sur le reste de nos réseaux.
Je travaille très fort
pour débouter mes mécanismes, mais il y a certaines frontières que
je refuse de lever. Ce sont celles de mon territoire intérieur ;
la seule chose qui n'appartienne qu'à moi. Comme je te l'ai
mentionné plus haut, la confiance ça se bâtit brique par brique
sans oublier le mortier qui parfois prend du temps à se solidifier.
Autrement l'édifice s'écroule au premier mouvement de sol.
Il ne faut pas m'en
vouloir, ni t'en tenir rigueur ; simplement constater avec moi
les espaces concomitants ne sont pas toujours concordants.
Libellés : Sur la frontière du réel