mercredi, janvier 04, 2017

Ressentir la portée

Tu te dis parfois que les boulets se tissent à coups de pourquoi. Ces petites questions en apparence innocentes, mais qui sèment le doute dans ton esprit. Et tu te trouves mille excuses pour ne pas aller au bout de toi-même, au cas où. Alors tu t'étioles tranquillement mais sûrement. Sans trop t'en apercevoir, traînée vers l'arrière par le poids que tu avais déposé dans le boulet précédemment élaboré. Il est de ton fait, et tu le sais.

Tu te dis que souvent, il est si facile de ne pas te regarder en face que le déni t'es presque devenu une seconde peau. Presque, pas encore tout à fait, mais pas très loin non plus. C'est tout juste si tu sais saisir le compliment quand ta famille te raconte à quel point ce que tu écris fait du bien à une ou deux personnes de son entourage. Tu rougis, un peu et tasse l'information bien solidement quelque part dans le fond d'une botte pour être certaine de bien marcher dessus et de la malmener correctement.

Bizarrement, même si tu refuses de croire en ces compliments, tu persistes à écrire, à mettre des mots sur un écran, au cas où ils trouveraient des récepteurs, au cas où ils te feraient du bien. Ce faisant tu permets aux braises de ta personnalité profonde de ne pas s'éteindre complètement. Parce que malgré tout, tu es à même de reconnaître que certains textes sont bien fichus. Alors tu continues à te botter les neurones deux fois par semaine, beau temps mauvais temps, inspiration ou pas.

Et tu réalises, un jour d'hiver, qu'à certains moments, dans un passé pas si lointain, tu étais rendue tellement loin dans le déni que tu n'avais même pas compris l'appel qui t'était lancé. Tu n'avais pas compris de ce dont on te parlait quand on t'avais demandé avec tout l'amour d'une mère : « Des fois, je me demande où elle est ma Mathilde, le sais-tu toi » ? Tu avais répondu juste assez à côté de la question pour te donner l'impression que tu y répondais, sans pourtant rien en faire.

Ça avait été facile, en réalité. Parce que la discussion de départ portait sur ton célibat endurci. Tu avais alors pu dire la très exacte vérité : après tout ce temps, tu ne sais plus ce que c'est que d'être en couple, tu ne sais plus si tu as envie de t'y frotter. Et au bout du compte, ça ne te manque pas vraiment. Comme si être la Mathilde dont on te parlait se limitait à cela.

Il aura fallut un certain rire. Le tien. Un rire qui n'avait pas résonné à tes propres oreilles depuis des années pour que tu comprennes l'importance de ce que tu avais laisser filer dans une interstice du plancher. Un peu de ton âme perdue quelque part dans l'Univers.

Tu te dis que la plupart du temps, les gens croient que c'est à perdre quelque chose qu'on en mesure toute l'importance, mais tu sais désormais que c'est à le retrouver qu'on en ressens toute la portée.

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