Le prix d'un plaisir
Depuis mon transfert, les
emprunts n'étaient plus permis, du moins, dans notre succursale.
Parce que que seuls les employés ayant terminés leur probation
peuvent emprunter et que dans la situation qui nous occupe, il était
beaucoup plus simple de suspendre ce droit jusqu'à la fin des
probations de tout un chacun. Et puis, la gestion des emprunts n'est
pas si simple que ce que l'on pourrait croire.
D'abord, bon nombre
d'entre eux, reviennent dans un état qui nous obligent à demander
l'achat de l'objet. Ce qui provoque des situations malaisantes parce
que cette dépense n’apparaît pas spontanément dans le budget
d'un employé. Ça m'est d'ailleurs arrivé plus souvent qu'à mon
tour, à l'époque où je sortais à peine du pays des zombie, que
j'avais un poste de 15 heures semaine et que je n'avais aucunement
les moyens de me payer un livre à 40$ même avec un rabais. Il va
sans dire que j'avais perdu l'habitude d'emprunter des livres.
Cependant, depuis quelques mois, plusieurs livres me faisaient de
l’œil et que malgré le fait que mon salaire ne soit plus le même
qu'à mes débuts, un moment donné on ne peut pas tout acheter.
J'ai donc rempli le
formulaire d'emprunt pour deux volumes, avant de quitter le travail
hier. Évidemment, quand j'ai mis le nez dehors avec mon précieux
butin, il pleuvait. Non, il délugeait. J'avais pris la peine de
mettre lesdits livres dans des sacs de plastiques, deux pour être
précise, histoire de me donner une chance. Mais quand même. Je
m'étais donc pressée pour atteindre le métro j'avais attendu
l'autobus à Papineau, ce que je ne fais jamais, afin d'assurer
l'arrivée à bon port à ces objets qui n'aiment pas la pluie.
Mon attente avait été
vaine : l'autobus n'est pas passé. Loi de Murphy ?
Peut-être toujours est-il qu'après 10 minutes d'attente suivant
l'heure de passage prévue dudit bus, je m'.tais mise en marche.
Heureusement, je change très peu souvent de sac de transport et
celui-ci dissimulait un parapluie, oublié là depuis la dernière
ondée de novembre. Ça faisait longtemps que je savais qu'il fallait
que je le change car son imperméabilité laissait décidément à
désirer, mais ça et rien du tout, j'avais choisi le parapluie.
Je ne sais pas trop
comment j'ai fait pour parcourir l'itinéraire du métro à chez moi,
entre les voitures qui m'éclaboussaient, les rafales qui
retournaient sporadiquement mon infidèle parapluie et les trombes
d'eau qui me coulaient sans arrêts sur le dos. Toujours est-il que
j'ai fini par arriver, saine et sauve à domicile. La première chose
que j'ai faite après avoir enlever mes vêtements mouillés, et
d'enfiler un pyjama sec, a été de vérifier l'état des livres. Je
me donnais l'impression d'être une archiviste devant une œuvre
particulièrement précieuse et défraîchie par le temps, j'avais
posé des serviettes sur la table avant d'éventé doucement et
méticuleusement les sacs de plastique.
J'ai été aussi soulagée
que ravie de constater qu'ils n'avaient pas pris une goutte. Je
pouvais donc me préparer une boisson chaude avant de m'enfoncer dans
le divan armée d'une douillette et pouvoir enfin les lire.
Il y a des combats comme
ceux-ci qu'on ne s'imaginait pas avoir à mener, mais ils donnent une
saveur particulière au plaisir.
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