Quand je n'aime pas l'hiver
Lorsque j'étais sortie
de la maison, théoriquement quelques cinq minutes avant le passage
de l'autobus sur la rue Ontario, je le voyais déjà à l'arrêt
précédent et la file, généralement parsemée à cet endroit me
semblait aussi volumineuse que celles qu'on voit d'ordinaire à des
arrêts beaucoup plus fréquentés ; évidemment, beaucoup de
quidam, comme moi, avaient décidé de ne pas affronter les trottoirs
montréalais pour une saine marche de santé et que les transports en
commun prenaient visiblement du retard à cause de la chaussée et de
l'achalandage.
J'avais donc pressé le
pas pour ne pas rater ce rare autobus afin de me rendre au travail.
Bien entendu, celui-ci était aussi humide que bondé. Plein de gens
peu habitués à utiliser ce trajet, qui poussaient du coude dans
toutes les directions pour s'assurer de ne pas manquer l'arrêt
auquel ils devaient descendre, bousculant tout le monde sans
s'excuser, comme si les circonstance dressait la table pour un manque
criant de savoir vivre.
Arrivée au coin de
Berri, j'ai voulu entreprendre une traversée pour me rendre au
métro. J'étais, comme qui dirait, mal prise. Parce qu'il n'y avait
pas une flaque de slush aux abords du trottoir, mais une véritable
piscine. Je ne voyais pas du tout quel chemin je pourrais prendre
pour me rendre de l'autre côté. Immanquablement, les voitures
autour, ne se gênaient pas pour plonger dans ladite piscine et
colorer allègrement toute ma personne de jolies taches d'un brun
déconcertant. J'avais fini par me dire que de faire le tour du monde
(c'est-à-dire, traverser Berri, un peu plus haut, revenir sur mes
pas, traverser Ontario et retraverser Berri) était à peu près ma
seule option pour arriver à destination les pieds au sec.
Après ce détour, je
m'étais rendue, clopin-clopant, à cause du mélange de glace et
d'eau jusqu'à la station de métro tout en sachant pertinemment, que
mon calvaire n'était pas terminé. Parce que depuis le début de
l'hiver, je me demande si la ville de Montréal, sait que Jean-Talon
est une artère commerciale. À toutes les fois où nous avons eu
droit à une quelconque avanie météorologique, j'ai eu l'impression
que ma petite rue résidentielle est mieux dégagée que Jean-Talon.
Ce matin ne faisait pas
exception. Si j'avais pensé que le coin Ontario/Berri était une
piscine, je n'avais pas encore croisé Jean-Talon/Drolet. La rue
Drolet était elle-même une piscine. Au grand complet. J'avais dû
remonter quelques dix maisons avant de voir l’asphalte, sous l'eau
glacée. Comme, je le fais souvent, je m'étais arrêtée prendre un
café avant de franchir la porte du magasin, parce que je me disais
que je le méritais bien après tant de péripéties.
Mal m'en fit.
Je n'avais pas aussi tôt
posé mon pied gauche sur ce qui était censé être mon lieu de
passage, mon gobelet bien rempli à la main, que la chaussée s'est
dérobée sous mes pas. Et qu'à peu près un tiers dudit café
m'avait éclaboussé la figure et largement contribué à la
décoration brunâtre de mon nouveau manteau gris.
Il y a des matins comme
cela, au cours desquels l'hiver n'est franchement pas ma saison
préférée.
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