mercredi, février 01, 2017

Panser mes racines

Je venais à peine de peser sur « publier » quand les alertes de mon téléphone se sont mises tintinnabuler, toutes en même temps. J'avais regardé distraitement l'écran sur le coup, juste avant qu'il ne s'éteigne, pour le rallumer immédiatement, incertaine de ce que je venais d'y lire. Mais les mots étaient bien-là noirs sur blanc : « Attentat terroriste à Québec, au moins 6 morts dans une mosquée ». Je m'étais alors exclamée : « ben voyons ! »

Bien entendu, j'avais ouvert la télé illico pour syntoniser une chaîne de nouvelles en continu et me rendre compte que ce n'était que trop vrai. J'étais atterrée. L'horreur qui frappait sous nos pas, une tuerie sans nom. Encore, tout près. Racisme, islamophobie, un nouveau djihad dans mon pays ? J'avais été l'appareil rapidement, peu convaincue de l'exactitude des informations à ce moment parce que tout était encore trop vif, trop chaud, trop récent.

J'étais allée me coucher, la tête pleine de trop de choses. Et mes souvenirs me ramenaient à l'époque de mon militantisme universitaire, lorsque je parcourais les routes du Québec avec plein de gens mais surtout une fidèle compagne au nom et au visage indéniablement arabes, mais que je ne percevais pas autrement que comme mon amie. Une très bonne amie. Avec laquelle rire était un battement de cœur aussi régulier que normal.

Quelques années après ces événements, elle s'était mariée, par amour, et s'était établie en France. Et puis le11 septembre 2001 avait frappé. Une foudre immense. À cette époque, nous correspondions encore un peu. Elle avait écrit une lettre à plusieurs correspondants, très belle, très intense sur tout le mal-être et le malaise que les regards portés sur sa personne, parce qu'elle était ce qu'elle était avec son bagage héréditaire et religieux. Nous avions été plusieurs à lui répondre qu'elle aurait été moins ostracisée ici, dans notre province si accueillante et bienveillante. Et nous nous étions crus.

Évidemment, on se mentait. À tout le moins, je me mentais. Je savais bien que l'intolérance n'était pas loin. Pas nécessairement la mienne, quoique... j'avais et j'ai toujours des opinions aussi tranchées que tranchantes sur certains sujets. Mon féminisme, ma manière très teintée par ma culture de percevoir l'espace que les femmes devraient occuper et surtout de la manière dont elle devraient l'occuper, en est un exemple.

J'ai fait des choix, et mes parents avant moi aussi, qui font de moi une athée. Je ne comprends pas la croyance dans un dieu, quel qu'il soit. Cependant, je la respecte, depuis toujours. Tant et aussi longtemps que cela ne mène pas à l'extrémisme. Et l'islam est loin d'être le seul terreau de ce dernier.

Alors, bien entendu, je saigne. Je saigne des blessures infligées à cette chose que je comprends pas par quelqu'un qui partage les mêmes racines que moi. Et je cherche, de toutes les forces de mon âme, laquelle de celles-là, je dois prioritairement panser.

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