jeudi, janvier 19, 2017

Pour un peu de hasard

Sur le balcon délavé, une boîte en carton éventée par la bise hivernale et les tourbillons neigeux laissaient voir le contenu d'une histoire qui s'était terminée abruptement. Un peu de quotidien, un peu de prévisionnel, tout de ce que l'on sème derrière soi afin de se bâtir un espace dans la vie de l'autre. Un contenu désormais futile parce que les objets en question ne retrouveraient plus jamais leur utilité dans le la vie de leur propriétaire, marqués qu'ils l'étaient désormais par leur passage sous les intempérie, mais surtout dans cette envie de créer qui ne se concrétiserait plus.

À quelques rues de là, une femme versait des larmes amères, après être passée plusieurs fois devant la maison, en espérant vainement que la boîte qui lui était pourtant destinée, eut disparu comme par magie. Comme si le fait de ne pas la ramasser pourrait faire en sorte que tout des derniers jours soit effacé et que les objets puissent retrouver les interstices qu'ils avaient trop brièvement occupés. Il n'en serait rien, la femme le savait très bien, mais elle savait aussi qu'elle n'aurait peut-être jamais le courage de grimper seule les marches de ce logis pour aller récupérer les traces de la rupture.

Dans une chambre qui ne lui ressemblait plus, une jeune homme regardait la neige s'amonceler sur les rebords des fenêtres sans vraiment s'en apercevoir. Son cocon était solide, à des kilomètres du lieu réel où il se trouvait. Ses rêves ambitieux à sa toute personnelle échelle, commençaient à se tisser dans la trame de la réalité : un premier pas vers l'avenir qu'elle se dessinait depuis tout petit. Plus rien d'autre que la lettre d'acceptation qu'il tenait dans sa main moite n'avait d'importance, ni les cris de ses sœurs absolument inconscientes du moment de grâce qui l'habitait, ni la vibration incessante de son téléphone, ni les bruits en aigus des alertes de son ordinateur ne parvenaient à le sortir de sa tête. Pour la toute première fois de sa vie, se disait-il, il voyait son avenir.

À la table d'un café bondé, deux femmes ajoutaient patiemment les couches de peinture aux céramiques qu'elles tentaient de créer. C'était un premier rendez-vous passablement étrange parce qu'elles ne parlaient pas la même langue et arrivaient difficilement à communiquer dans un langage tiers qui était inconfortable pour l'une comme pour l'autre. Et pourtant, elles étaient bien dans le silence qui les enveloppait la plupart du temps, se jetant des regards inquisiteurs, histoire d'être bien certaines de comprendre ce qu'elles vivaient.

Après un premier rendez-vous, un homme arpentait lentement les derniers mètres qui le séparait de son domicile, pas tout à fait certain que l'énergie qui l'animait pourrait se taire une fois arrivé. Le cœur en bataille, les émotions au garde-à-vous. Il s'y était pourtant rendu à reculons, bien armé de mauvaise foi. Sachant d'expérience que ces rencontres prévues par d'autres ne servaient généralement pas à grand chose. Il s'était cru solidement emmuré dans son armure qui ne cédait plus aux femmes qui pourraient l'atteindre. Mais à cette minute précise, il se voyait tel un cheval fou qui hurle comme un loup d'avoir été touché.

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