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La pièce sentait
l'humidité et la friture. Autour de moi, les gens trimballaient des
cabarets bien remplis ou des gobelets de boissons chaudes. C'était
une pièce lumineuse et bruyante, comme c'est fréquemment le cas
dans les chalets de ski alpins les après-midi de fin de semaine. Ce
n'était pas celui auquel j'étais habituée, c'était la première
fois que je me retrouvais-là, mais je me sentais, somme toute en
pays de connaissance.
Je ne me rappelle plus
exactement pour quelle raison j'étais fâchée, ni précisément
contre qui, mais je l'étais. Il me semble que ça avait un rapport
avec les duos de remontées mécaniques et comme nous étions trois
filles d'à peu près le même âge, ce genre de frictions étaient
assez récurrentes, surtout en dehors du site sur lequel on allait
descendre les pentes habituellement. Là, il y avait toujours un
paquet de personnes que l'on connaissait suffisamment pour vivre des
remontées agréables, à peu près en tout temps.
Bref, j'étais fâchée
et comme toute ado qui se respecte, non comme toute moi qui se
respectait, je me vautrais dans mon drame. J'étais incomprise,
délaissée, maltraitée, choisissez l'attribut qui vous plaît dans
le lot, je me les accordais tous, convaincue que personne au monde ne
pouvait expérimenté pire journée que la mienne.
Selon ma bonne habitude,
dans ce genre de circonstances, j'écrivais. Je n'avais pas de
papier, pas de cahier avec moi, il était rare que je pense à
apporter ce matériel indispensable, pourtant, à mes épanchements.
Je me servais donc d'un napperon en papier pour exprimer toute ma
frustration. Au bout d'un moment, un garçon inconnu était venu
s'asseoir devant moi et m'avait parlé. Au début, sa présence
m'avait irritée, parce qu'elle me forçait me sortir de mon
auto-complaisance et que mes treize ou quatorze ans ne voyaient
vraiment pas en quoi une discussion avec un inconnu aurait pu être
plus intéressante que l’apitoiement dans lequel je versais.
Mais bon, il était
rigolo, plein de confiance en lui et de charme. Il m'avait invité à
aller faire une couple de descentes en sa compagnie, ce que j'avais
refusé vu que l'heure du rendez-vous de fin de journée approchait à
grands pas. Les filles étaient venues me cueillir sur ces événements
et j'avais quitté mon nouvel ami sans trop de regrets. Je me battais
avec le support à skis pour en déloger les miens quand il était
venu à ma rescousse, me donnant franchement l'impression que j'étais
une empotée de premier ordre, et j'avais rougi sous son regard
amusé.
Il m'avait fait un tout
petit bisou sur les lèvres avant de donner deux puissantes
impulsions à ses skis pour s'éloigner de moi pour toujours.
C'est ce jour-là, je
crois, que j'avais pris la décision que j'étais assez grande pour
cesser de me cacher dans les gardes-robes pour éviter de donner la
bise aux invités.
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