Trame sonore
Je ris souvent de mon
accent quand je tente de parler une autre langue, particulièrement
l'anglais qui est la seule autre langue que le français dans
laquelle je puis soutenir une conversation. Mais je n'ai décidément
pas les muscles buccaux assez travaillés pour y être bonne, c'est
une vérité de la Palisse puisque dans ma bouche, white, right et
write sonnent exactement de la même manière. Au moins, suis-je
parfaitement capable de me faire comprendre et de comprendre mes
interlocuteurs.
Ceci n'a cependant pas
toujours été vrai. J'ai aimé des chansons, particulièrement à
l'adolescence, sans en saisir le sens et sans trop me poser de
question non plus. J'aimais la musique, c'étaient des pièces à la
mode, c'était suffisant. Avec le temps, j'ai apprivoisé cette
langue, je la lis bien, la parle convenablement, si on fait
abstraction de l'accent et quelquefois même, le temps où je mes
oreilles se mettaient systématiquement en mode absence quand on
parlait anglais à côté de moi me manque. Aujourd'hui, je comprends
aussi aisément une conversation dans cette langue que dans la
mienne, à tout le moins dans les rues de Montréal.
Mon passé de joyeuse
ignorante me revient néanmoins souvent au visage. Hier nous avions
cette discussion à cause d'une chanson qui jouait à la radio du
magasin. Je ne le connaissais pas du tout à l'énorme surprise des
employés. C'était une ballade assez sirupeuse de celles dont sont
friandes les pré-ados ou les très jeunes ados. Ça avait été
populaire au début des années 2000, à peu près à l'époque ou
j'étais personnellement en plein milieu du pays des zombies, ce qui
fait que je n'étais pas du tout surprise d'avoir complètement loupé
cet épisode musical. D'autant que je me suis débranchée des radios
commerciales depuis bien avant cette date alors l'étendue de mon
ignorance en musique pop anglo est plus que vaste.
Bref, une employée m'a
alors dit qu'elle avait un attachement tout particulier à cette
chanson parce qu'elle avait été la trame sonore de son premier slow
et de son premier french.
Tout naturellement elle m'a demandé quelle avait été la chanson
pour moi. J'ai donc répondu que le premier slow
était Careless whisper.
J'allais laissé ça là sauf que je n'ai pas pu résister à la
question muette des grands yeux verts qui me regardaient en attendant
la suite. J'ai fini par dire que le premier french avait eu lieu sur
Take my breath away et
que ça avait été aussi agréable qu'un traitement de canal.
Penchant la tête sur le côté gauche, l'employée m'a alors dit :
« ah ben au moins, ça fite »
Et
je me suis aperçue qu'elle avait raison. Je n'avais jamais associé
la signification des mots du titre de la chanson avec les événements,
parce qu'évidemment, dans ce temps-là, je n'avais absolument aucune
idée de ce que ça voulait dire.
Comme
quoi, dans la vie, parfois, les trames sonores sont aussi bien
accordées à la réalité que dans les films, même si je sais fort
bien qu'au sens figuré le titre de la pièce avait quelque chose
beaucoup romantique que mon premier baiser mouillé.
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