jeudi, mars 16, 2017

Interruptions involontaires

Je déambule généralement avec des écouteurs dans les oreilles, un peu, je présume, pour préserver ma bulle, beaucoup, pour continuer d'apprendre, parce que j'écoute rarement autre chose que la radio. Si d'aventure, ça arrive, je chantonne généralement allègrement avec mon baladeur, laissant, me semble-t-il savoir que je suis dans un monde qui n'appartient qu'à moi.

J'ignore, ce qui dans cette attitude prête à la conversation, toujours est-il que je me fait continuellement adresser la parole par des inconnus quand je ne m'y attends pas. C'est particulièrement vrai quand j'attends en file pour payer mes emplettes à l'épicerie tard le soir. Ça m'arrive assez régulièrement étant donné mon horaire atypique. On me raconte tout et n'importe quoi, ces derniers jours, la température en a beaucoup fait les frais. Dans ces situations, j'ai parfois l'impression d'être la première personne à laquelle mes interlocuteurs aient parlé de la journée. Alors, je les écoute en souriant et en essayant de ne pas prendre un air condescendant.

Quelquefois, mon tempérament bouillant est mis à rude épreuve. Parce que ce sont souvent des hommes qui m'adressent ainsi la parole, des hommes plus vieux que moi qui me racontent des bonnes blagues. Généralement très sexistes, ou salaces, bref, à des kilomètres de l'humour qui m'amuse. J'ai développé avec le temps, toutes sortes de stratégies pour répondre sans répondre et fermer la porte à d'autres commentaires que je pourrais trouver aussi malaisants que ces petites blagues malvenues.

Des fois, je me dit que le fait que j'écoute la radio n'est pas étranger à ces conversations impromptues. Surtout quand je syntonise des émissions qui me font rire, soit dans leur entièreté, soit dans certaines de leurs parties, parce que j'aborde alors un large sourire qui se décolle difficilement de mon visage. J'imagine que j'ai, à ces occasions, l'air avenant. Le plus drôle, c'est que lorsque je suis dans ce genre d'écoute, je ne veux généralement pas en manquer un iota, parce que justement, ça m'amuse et me détend. Je tente néanmoins de faire bonne figure, malgré le dérangement. Ce doit être un réflexe de service à la clientèle, dûment intégré.

La plupart du temps, je crois que tout ce résume à cela : ma face de service à la clientèle. Ça fait tellement longtemps que je suis aux premières loges des clients bêtes que je me fais un devoir de ne jamais faire sentir aux personnes qui me servent à leur tour, mes mauvais poils et autres aléas de l'existence. Peut-être que cette attitude dépasse un tantinet ma volonté et ouvre des portes à toutes ces parenthèses qui ne me font pas envie.

Ce que ces personnages ne savent pas, c'est que je suis une portraitiste du quotidien et que tout ce qu'ils peuvent bien me raconter finira un jour ou l'autre dans la sève de ce que je crée. Que ce qu'ils me narrent m'intéresse, ou pas...

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