Les pieds dans l'eau
Dans la maison où j'ai
grandi, les printemps humides étaient chose fréquente. Il y avait
bien une pompe près de la porte menant à la cave, mais on
constatait fréquemment qu'elle peinait à sa tâche et les dernières
marches devenaient inexistantes quelque temps. Par conséquent, j'ai
longtemps assimilé l'odeur d'humidité à celle d'une cave. Comme je
détestais me laisser surprendre par une mince couche d'eau quand je
devais aller chercher quelque chose dans le congélateur qui était
situé au fond de ladite cave.
Je ne sais pas comment
mes parents géraient la situation, financièrement s'entend. Moi, je
disais que nous étions inondés, sauf que j'ai compris qu'il
s'agissait davantage de dégâts d'eau que d'inondation. Nous n'avons
pas eu à évacuer la maison pour ces raisons, jamais. J'ai toujours
dormi les pieds au sec, quoique j'aie pu en penser à l'époque. Bien
entendu, le 14 juillet 1987 avait laisser entrer quelques millimètres
d'eau dans la cave, cependant je garde davantage un souvenir de panne
d'électricité, de chatte qui accouche et des images étonnantes de
l'autoroute Décarie qui avait l'air d'une rivière davantage que
d'une autoroute avec des voitures dont on voyait à peine
l'habitacle, le reste étant sous la ligne de l'eau.
Il y a quelques années,
ma sœur, fraîchement propriétaire d'une nouvelle maison, a vu son
sous-sol être complètement inondé. Je sais que ça été une
période très difficile pour elle et son amoureux, mais je ne crois
pas en comprendre la réalité encore aujourd'hui. Je n'ai vu que des
photos et si j'ai eu des échos de ce qu'ils vivaient, j'avais encore
trop de colères et de frustrations latentes en moi pour être apte à
en mesurer toute la portée. Je n'étais pas particulièrement
familièrement fréquentable, aussi aie-je été sagement laissé
dans l'ignorance de ce qui se passait au quotidien. Je sais cependant
qu'ils ont tenu le coup, en partie, parce qu'ils avaient le Club à
quelques minutes à pieds pendant l'été qui a suivi ce désastre.
Alors ils y vivaient plus que moins pendant qu'ils reconstruisaient
leur nid, pierre par pierre, c'est le cas de le dire.
Le temps passant, ma mère
en est aussi devenue membre, pour profiter d'un bout de campagne à
la ville et aussi de sa nouvelle vie de grand-maman. Cet endroit
bucolique est donc devenu, un haut lieu de plaisirs estivaux. Mais
voilà que ce matin j'ai vu des photos du Club totalement inondé.
Plus de piscine, plus de terrain. Juste la rivière qui s'est étendue
tout partout. Le refuge n'a même plus une île pour se réfugier
lui-même.
Ce n'est pas grand chose,
comparativement au drame réel que vivent plein de Québécois de
toutes origines qui perdent beaucoup plus que simplement un lieu
convivial ou il fait bon se reposer. Néanmoins, j'ai aujourd'hui le
sentiment que ce printemps trop mouillé est en train de faire un
énorme pied-de-nez à l'été et ses jours de farniente programmés.
J'ose quand même espérer
que nous saurons collectivement tirer un certain parti de ces
événement éprouvants. Un petit brin de solidarité, serait, me
semble-t-il, bienvenu.
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